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22° Dimanche du Temps Ordinaire - Année C
Si 3,17-18.20.28-29 ; Ps 67 (68) He 12,18-19.22-24a ; Lc 14, 1a.7-14
Astucieux le conseil de Jésus : prendre la dernière place pour qu’on nous invite à nous asseoir à une place d’honneur ! Sauf que ça ne marche pas toujours : l’autre fois, personne n’est venu me chercher et je suis resté à la dernière place pendant tout le repas ! Ça m’apprendra à prendre l’évangile pour un manuel de stratégie mondaine !
On se doute d’ailleurs que les conseils de Jésus dans la maison du chef des pharisiens ne sont pas là pour nous donner des ruses ou des techniques de manipulation. Il s’agit plutôt de nous encourager à développer en nous certaines dispositions de cœur qui sont essentielles à la vie spirituelle. Les réflexions de Ben Sira, dans la première lecture, donnaient déjà le ton : « accomplis toute chose dans l’humilité ». Or les choses étant ce qu’elles sont, si nous recherchons l’humilité, il nous faut débusquer les pièges de l’orgueil. Saint Grégoire le Grand évoquait quatre types d’orgueil.
Le premier est celui qui ne reconnaît pas le don. C’est l’orgueil qui nous fait penser que vient de nous ce qui vient de Dieu. C’est l’orgueil du superbe, de celui qui est tellement remplit de soi-même qu’il n’y a pas de place pour le Seigneur dans son cœur. Voilà pourquoi le sage dit que « la condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui ». Aussi la première façon de débusquer l’orgueil c’est d’apprendre l’action de grâce, la reconnaissance. Il est significatif que la plus haute prière, la source et le sommet de notre vie soit l’eucharistie, un mot grec qui – encore aujourd’hui – signifie merci. Ainsi nous devons apprendre à vivre la messe, non pas comme notre chose, mais comme l’œuvre de Dieu à laquelle nous sommes invités. Pourtant si nous en déduisons qu’il faudrait ne pas s’impliquer, cela signifie qu’on est encore plus attachés à posséder qu’à recevoir.
Le deuxième type d’orgueil, c’est celui qui ne reconnaît pas la gratuité, c’est-à-dire que, sachant que Dieu nous donne, on pense qu’on le mérite. C’est l’orgueil du présomptueux à l’image de l’homme qui se place au premier rang dans l’évangile. C’est la situation de celui qui est encombré de ses droits, enfermé dans une justice à sens unique. Comment l’éviter ? En contemplant l’amour de Dieu tel qu’il est et non pas tel que nous l’imaginons. Pour cela nous pouvons développer l’attitude d’adoration qui apprend à se tenir devant Dieu, humblement et gratuitement ; sans chercher à obtenir, en se contentant de recevoir. Acceptant que ce soit le Seigneur qui mesure notre cœur.
Le troisième type d’orgueil, c’est celui qui ne reconnaît pas le manque. Il se vante de ce qu’il n’a pas et minimise ce qui lui fait défaut. C’est l’orgueil de l’arrogant qui se brise dramatiquement face à la réalité. L’auteur de la lettre aux Hébreux comparait deux modes de révélation : la première avec force et puissance, tellement écrasant que « les fils d’Israël demandèrent à ne plus l’entendre », la deuxième dans la douceur et la gloire de cette Jérusalem céleste qui fascine et invite. D’une certaine manière nous avons donc le choix entre une présence de Dieu qui contraint et une présence qui attire, mais cela ne dépend pas tant d’un caprice divin que de notre disponibilité. Une bonne manière de débusquer ce troisième type d’orgueil, c’est d’accepter d’être pardonné. Dans le pardon, nos manques ne sont plus des humiliations, mais une source de grâce.
Le dernier type d’orgueil, c’est celui qui ne reconnaît pas le partage. Il croit être le seul à avoir ce que tous possèdent. C’est l’orgueil méprisant de celui qui se croit supérieur et qui ne voit dans les autres que des instruments au service de sa propre satisfaction. Cela peut faire penser à la question des invitations dont parle Jésus, à condition bien sûr de ne pas utiliser les pauvres pour notre propre salut ! Il s’agit sans doute de l’orgueil le plus subtil et le plus pernicieux, celui dont Saint Grégoire dit qu’il est le plus répandu. On ne peut guère le combattre que par la miséricorde lorsqu’elle nous engage au service et à la communion.
Alors, n’ayons pas peur de débusquer en nous les traces de l’orgueil sous toutes ses formes, recherchons, demandons l’humilité par l’action de grâce, l’adoration, le pardon et la communion. Nous savons bien qu’il s’agit d’un combat de tout instant, c’est le combat d’une vie parce que c’est celui qui nous prépare au Royaume.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Sa disponibilité à l’Annonciation nous donne l’exemple de l’humilité ; sa prière du Magnificat nous forme à l’action de grâce ; sa présence au pied de la croix nous apprend la miséricorde, pour que nous soyons prêts à participer aux Noces de l’Agneau à la place qui nous est préparée, dès maintenant et pour les siècles des siècles.