Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 juillet 2021 7 11 /07 /juillet /2021 12:59

15TOB

15° dimanche du Temps Ordinaire - Année B

Am 7,12-15 ; Ps 84 ; Ep 1,3-14 ; Mc 6, 7-13

Quel texte extraordinaire que celui que nous avons entendu en deuxième lecture ! La prière de saint Paul nous plonge dans le cœur de Dieu et nous sommes saisis par la puissance de sa bonté : « Dieu le Père nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour ». Nous voilà situés dans le regard du Seigneur : depuis toujours et pour toujours. Comme Amos aux jours d’autrefois, la parole de Dieu nous saisit dans la banalité de notre vie pour nous appeler à l’extraordinaire de notre vocation. De la même manière, l’évangile rapportait la mission des apôtres : envoyés par le Christ ils vont porter la parole et goûter la puissance du Royaume. Les consignes que Jésus leur donne peuvent nous indiquer quelques repères pour vérifier que nous nous laissons saisir par la Parole.

D’abord ils sont envoyés deux par deux. Le détail a son importance, car c’est ce qui permet de ne pas s’approprier la parole. Le risque du messager, c’est de croire qu’il est l’auteur du message alors qu’il n’est que l’envoyé. La Parole de Dieu n’est pas notre parole. En allant deux par deux, les disciples témoignent qu’ils ne portent pas les idées de l’un ou de l’autre, mais un message qu’ils ont reçu et qui ne vient pas d’eux. C’est ainsi qu’Amos répliquait au prêtre de Béthel : « je n’étais pas prophète, ni fils de prophète » … en d’autres termes, je ne fais pas un métier, mais je réponds à une mission ; ce que je dis ne vient pas de moi mais de Dieu. Ainsi ce n’est pas nous qui saisissons la parole, c’est elle qui nous saisit. Et le premier signe, c’est que nous ne sommes pas seuls. Bien sûr nous pouvons l’écouter et la méditer dans le secret de notre cœur, mais nous ne la faisons retentir que lorsque nous sommes dans l’Église, avec d’autres. On gagne toujours à accueillir la Parole en la partageant, en accueillant la manière dont elle résonne chez ceux qui nous accompagnent.

Ensuite, Jésus donne des consignes de sobriété et même de pauvreté : « ne rien prendre pour la route, ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie, ni tunique de rechange » ; à peine le nécessaire pour la marche : un bâton et des sandales. Ce dépouillement manifeste une espèce d’urgence, comme pour revenir à l’essentiel, et l’essentiel c’est la Parole. Si nous sommes saisis par la Parole, c’est elle qui prend toute la place et qui nous comble : on n’a pas besoin de s’assurer un plan B, on n’a pas besoin de faire des calculs ou des provisions : la Parole nous suffit. Tout au long de l’histoire, les saints ont connu ce moment où, pour accueillir pleinement la Parole, ils ont délaissé tout le reste ; acceptant de faire confiance à Dieu et à lui seul, en prenant le risque de l’inconfort matériel, affectif ou intellectuel. « C’est la richesse de sa grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous » disait saint Paul. Bien sûr, nous pouvons prendre des conseils auprès des savants (même s’il ne suffit pas de se dire expert pour être compétent), mais pour l’essentiel, pour notre bonheur ou notre développement personnel – comme on dit aujourd’hui – où cherchons-nous la lumière ? La Parole de Dieu nous a-t-elle saisi au point que c’est en elle que nous puisons la sagesse de notre vie ?

Enfin il y a ces drôles de recommandations de profiter de l’hospitalité ou de secouer la poussière des pieds selon l’accueil réservé aux disciples. C’est comme si Jésus n’attendait pas d’eux une obligation de résultat, mais seulement de moyens. Il y a quelque chose de très libérant dans ces consignes : l’efficacité de la mission ne dépend de nous, mais de la Parole de Dieu … et aussi de la bonne volonté de ceux qui l’entendent. Se laisser saisir par la Parole c’est être plus attentif à la fidélité de notre témoignage qu’à ses résultats ; parce qu’il ne dépend pas de nous que les gens croient, mais il dépend de nous que la Parole soit correctement annoncée. En nous confiant de transmettre son enseignement, le Seigneur nous fait partager sa liberté et son amour, un amour qui ne peut que se proposer au risque d’être refusé.

La Parole de Dieu nous saisit quand elle révèle le mystère de sa volonté. Elle nous fait découvrir l’abondance de sa grâce, la prévenance de son amour et la grandeur de son appel. Si nous acceptons de nous laisser saisir, plutôt que de saisir ; si nous laissons la Parole guider nos choix et conduire nos vies, elle nous permet de déployer le don de Dieu pour vivre à la louange de sa gloire et parvenir jusqu’à sa présence.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Humble Servante du Seigneur, qu’elle nous apprenne la disponibilité de la foi ; Trône de la Sagesse qu’elle nous soutienne dans l’humilité de l’espérance ; Mère du Bel amour qu’elle nous garde dans la fidélité de la charité, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

Partager cet article
Repost0
4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 12:36

14TOB

14 ° dimanche du Temps Ordinaire - année B

Ez 2,2-5 ; Ps 122 ; 2 Co 12,7-10 ; Mc 6,1-6

Si nous voulions commencer l’été dans la tranquille torpeur d’une douceur insouciante, ce n’est pas sur les textes que nous venons d’entendre qu’il faut compter ! Ils n’ont rien de paisibles, bien au contraire on pourrait les qualifier de rugueux. D’abord le discours à Ézéchiel où Dieu frise l’insulte au peuple ; ensuite l’épreuve de saint Paul qui dit se faire gifler par un envoyé de Satan ; enfin l’échec de Jésus à Nazareth … La Parole de ce jour a comme un arrière-goût d’amertume. C’est qu’elle agit comme un réveil : pénible mais essentiel !

Il y avait d’abord la vocation d’Ézéchiel, avec cette consigne importante « qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas, ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux ». Voilà une caractéristique importante de la Parole de Dieu : elle ne cherche pas à nous plaire. Nous qui vivons dans un monde marqué par le discours publicitaire, nous pouvons être tentés de n’écouter que ce qui nous fait plaisir. Ça n’est sans doute pas un privilège de notre temps : il a toujours été plus confortable d’être flatté que contrarié. Mais le Seigneur n’est pas le renard qui cherche à nous séduire pour profiter de notre vanité ! Si la Parole de Dieu ne dépend pas de ceux qui l’écoutent, c’est non seulement parce que Dieu est libre mais aussi pour nous rendre libres. Il faut donc accepter que l’évangile nous remette en cause, qu’il nous prenne à contrepied. Il faut accepter que la vie spirituelle ne soit pas confortable et ne pas croire que Dieu ne nous aime pas quand il demande des choses difficiles voire désagréables.

Ensuite il y avait les confidences de saint Paul. Quand on écoute bien, il vit une situation inconfortable dont il n’est pas très fier, mais Dieu ne le délivre pas de cette faiblesse. L’apôtre nous en donne l’explication : c’est pour l’empêcher de se surestimer. Ainsi l’humiliation préserve l’humilité. Mais c’est surtout le signe d’une autre caractéristique de la Parole de Dieu : elle ne dépend pas de la perfection de celui qui la porte. La parole retentit plus fidèlement quand on se sait pécheur que quand on se croit parfait. Bien sûr, il y a une petite blessure narcissique à se retrouver devant nos limites, mais c’est le prix à payer pour se laisser conduire par la puissance de Dieu. Sans doute est-il plus rassurant de tout maîtriser, mais la vie divine nous dépasse, et finalement c’est assez libérateur de réaliser que la puissance de Dieu ne dépend pas de notre propre force : ce n’est pas à nous de porter le poids du monde : c’est le Christ qui le porte ; et il nous porte avec !

Enfin l’évangile nous rapportait les difficultés rencontrées par Jésus à Nazareth. Avec cette remarque étonnante : « Jésus s’étonna de leur manque de foi ». Peut-être a-t-il eu la même impression qu’Ézéchiel ou saint Paul en expérimentant cette impuissance : « il ne pouvait accomplir aucun miracle ». On remarquera que ça ne le décourage pas, il parcourt les villages d’alentour en enseignant. C’est que la Parole de Dieu est aussi libre de ses résultats. Elle n’est pas une parole magique, elle n’est efficace que si on veut bien l’accueillir. On se retrouve devant le mystère du péché qui fait obstacle à la puissance de Dieu. Nous voilà donc avertis : la parole de Dieu n’est pas là pour nous conforter mais pour nous surprendre. En matière spirituelle, il faut éviter de penser « je sais » « je connais ». Dans l’évangile de saint Marc, il n’y a que les démons qui disent « je sais qui tu es ». On n’accueille pas l’évangile en l’enfermant dans nos idées ou notre expérience mais en restant disponible à se laisser surprendre. La Parole de Dieu n’est pas la cerise sur le gâteau de nos convictions, elle est une porte qui nous ouvre au monde nouveau, un monde qui nous dépasse et nous fait progresser … et l’on sait bien que ça n’est pas en restant immobile qu’on progresse.

Alors, oui, les textes d’aujourd’hui ne sont pas les plus faciles ni les plus rassurants de la Bible. Comme le petit livre dans l’Apocalypse, ils laissent plus d’amertume que de douceur. Mais c’est pour que nous comprenions combien la Parole est libre, libre de ceux qui l’écoutent, libre de ceux qui la portent, libre de ses résultats. Et cette liberté de la Parole nous libère même si ce n’est pas confortable parce qu’elle se propose de nous guider plutôt que de nous flatter, elle nous dépasse et nous oblige à nous laisser porter plutôt que de tout maîtriser ; elle nous surprend plutôt que de nous conforter

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. En laissant l’annonce de l’ange bouleverser sa vie, elle a permis que tout se fasse en elle selon la Parole ; en s’étonnant des paroles de Siméon, elle a permis que resplendisse la Lumière des Nations ; en se tenant au pied de la Croix, elle a participé au salut du monde. Qu’elle nous apprenne à accepter l’inconfort d’une vie spirituelle qui nous rapproche toujours plus et toujours mieux de Celui qui nous invite à partager l’éternité dès maintenant et pour les siècles des siècles.

Partager cet article
Repost0
27 juin 2021 7 27 /06 /juin /2021 09:11

13TOB

13° Dimanche du Temps Ordinaire - Année B

Sg 1,13-15 ; 2,23-24 ; Ps 29 (30) ; 2 Co 8, 7.9. 13-15 ; Mc 5,21-43

L’évangile nous rapporte deux miracles de Jésus, et l’on pourrait être tenté d’être un peu blasé, même si les belles histoires sont toujours réjouissantes. Cependant Saint Marc ponctue son récit de quelques détails pittoresques ou inattendus qui peuvent piquer notre curiosité pour percevoir ce qui nous concerne au-delà de l’aspect anecdotique des événements.

D’abord il y a la réflexion des disciples lorsque Jésus demande « qui a touché mes vêtements ? ». Puisque la foule était nombreuse et dense – à l’époque il n’y avait pas de gestes barrières – on comprend facilement leur remarque ironique « avec tout le monde qui t’entoure tu demandes qui t’a touché ? ». Et pourtant on ne peut soupçonner Jésus de naïveté ou de susceptibilité. S’il pose la question, c’est qu’il y a un enjeu important. La femme, d’une certaine manière, avait « volé » sa guérison au Seigneur. Et cela n’est pas satisfaisant pour lui. La grâce n’est pas de l’ordre de la magie ou de la mécanique. Il ne suffit pas de toucher son vêtement pour être sauvé ; Jésus veut qu’il y ait une rencontre, une relation. Il est d’ailleurs très bienveillant pour cette femme quand elle lui dit toute la vérité. Et voilà un premier enseignement essentiel pour notre vie spirituelle : elle doit se vivre dans une rencontre, au cœur d’une relation. Notre prière n’est pas magique ou mécanique. Il ne suffit pas de dire certaines paroles ou de faire certains gestes, il faut accepter de rencontrer le Seigneur, de lui dire toute la vérité, même en tremblant. Si l’audace de cette femme et sa confiance dans la puissance de Dieu est admirable, c’est surtout son attitude en réponse à la question du Seigneur qui doit nous inspirer. Dieu n’est pas une machine pour réaliser nos désirs, même les plus légitimes, il est un père qui nous aime et qui veut nous rencontrer.

Ensuite, il y a l’arrivée des gens de la maison de Jaïre, et la détermination de Jésus qui ne se laisse arrêter ni par le fatalisme des envoyés, ni par les moqueries des pleureurs. L’invitation qu’il fait au chef de la synagogue doit résonner en nous « ne crains pas, crois seulement ». Car il y a un mal plus grand que tout qui est la résignation : quand on baisse les bras et qu’on se dit « à quoi bon ? ». C’est ce qui arrive quand on s’enferme dans nos émotions ou dans notre propre perception des choses. Au contraire Jésus nous invite à la confiance, à nous appuyer sur sa parole. Là encore un chemin important nous est indiqué. Nous ne sommes pas la mesure des événements : ce n’est pas à nous de décider le sens de nos démarches et de nos actions, c’est la Parole de Dieu qui doit nous éclairer et nous guider. C’est elle qui fonde notre persévérance, c’est elle qui justifie notre confiance.

Enfin il y a la consigne ou plutôt les consignes que Jésus donne à ceux qui assistent à la résurrection de la jeune fille. L’expression est d’ailleurs suffisamment insistante pour qu’on la remarque « il leur ordonna fermement ». Qu’est-ce que Jésus demande ? De ne pas se répandre en commentaires mais de faire manger l’enfant. Comme pour nous faire comprendre que l’essentiel n’est pas dans le spectaculaire, mais dans l’ordinaire le plus banal. Sans doute est-il touchant que le Seigneur soit attentif à ce qui paraît dérisoire au regard du miracle ; mais plus profondément, c’est une invitation à s’engager, à prendre soin, au lieu de se disperser en discussions interminables. Devant l’œuvre de Dieu, on pourrait s’extasier de ce qui nous étonne et nous stupéfait, mais le Seigneur préfère qu’on se laisse entraîner par sa miséricorde ; qu’on ne reste pas spectateur du merveilleux, mais qu’on s’implique dans le service et l’attention les uns aux autres.

L’évangile de ce jour nous rapportait deux miracles, mais il nous rapportait surtout trois guérisons plus discrètes et plus essentielles de la vie spirituelle. En nous invitant à le rencontrer dans la simplicité et la vérité, Jésus nous guérit de la magie qui consiste à croire que la puissance de Dieu dépend de ce que nous faisons. En nous proposant de nous appuyer sur sa parole dans la foi et la persévérance, il nous guérit du cynisme et de la résignation auxquels conduit l’habitude de ne compter que sur ce que nous savons, voyons ou ressentons. En nous appelant à l’engagement dans le service, le Seigneur nous guérit de la fascination stérile du merveilleux et du spectaculaire.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle nous apprenne à répondre à l’appel du Seigneur qui veut nous rencontrer. Consolatrice des affligés qu’elle soutienne notre confiance et notre fidélité à la Parole de Dieu. Mère du Bel Amour qu’elle nous entraine à la suite du Christ dans l’engagement qui met en œuvre la foi pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2020 7 18 /10 /octobre /2020 13:01

29TOA

29° Dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Il y a dans l’évangile des scènes avec les pharisiens que je trouve jubilatoires. La manière dont Jésus renvoie ses contradicteurs à leurs propres contradictions est vraiment savoureuse. On ne retient généralement de cette histoire que la conclusion, mais il est dommage de ne pas goûter aussi le contexte.

D’abord il faut mesurer la duplicité de ceux qui viennent trouver Jésus : les pharisiens sont plutôt dans une optique de résistance et ils auraient tendance à justifier la désobéissance civile par des arguments religieux ; mais ils viennent accompagnés des partisans d’Hérode qui sont eux plutôt dans l’ordre de la collaboration. Donc, quoiqu’il réponde le Seigneur va se faire des ennemis. Ensuite il y a l’espèce de discours trop poli pour être honnête, où ils essaient de flatter Jésus pour mieux le piéger : « tu es toujours vrai, tu enseignes le chemin de Dieu en vérité, tu ne te laisses influencer par personne ». Enfin le retournement de situation : « montrez-moi la monnaie de l’impôt ». Il faut savoir qu’à l’époque toute sorte de monnaie circule. Ce qui donnait la valeur, c’était d’abord le poids et le type de métal. Ainsi, par exemple, on utilisait plutôt la monnaie phénicienne pour les offrandes faites au Temple. Qu’ils aient en leur possession une pièce romaine en dit plus long sur leur situation que tous leurs discours.

En fait la phrase de Jésus n’est pas tant une déclaration politique ou philosophique que le rappel de la justice : « rendez à Untel ce qui est à Untel », c’est le principe de toute justice. En vérité le piège dans lequel on essaie d’entrainer Jésus, c’est de lui demander de choisir entre deux erreurs : celle qui consiste à se prétendre au-dessus des lois sous prétexte religieux, ou celle qui consiste à réduire la religion à la politique et la spiritualité à la morale. Pour reprendre les termes du Seigneur, on lui demande si l’on peut prendre à César pour donner à Dieu, ou s’il faut rendre à César ce qui est à Dieu. En fait, ce sont deux tentations récurrentes qui ne sont malheureusement pas réservées aux Pharisiens et aux Hérodiens.

La première tentation, de prendre à César pour donner à Dieu, c’est le surnaturalisme. Croire que Dieu nous dispense d’être humain, comme si aimer Dieu nous donnait tous les droits. Comme s’il fallait choisir entre Dieu et César. Certes, ça peut arriver et c’est arrivé au cours de l’histoire, mais c’est arrivé quand César se prend pour Dieu, car Dieu ne se prend jamais pour César ! Sans aller jusqu’à des situations dramatiques, c’est la tentation de croire que la prière dispense de travailler ou de se soigner. Ne croyons pas être plus saints sous prétexte que nous sommes rebelles ou imprudents. Dieu n’est pas ce qui nous arrange : s’il nous a placé dans le monde ce n’est pas pour le mépriser mais pour le servir. Quand on utilise la vie spirituelle comme alibi à l’injustice, ce n’est pas à Dieu que l’on obéit mais à nos instincts les moins honorables.

Pour autant cela n’implique pas de tomber dans la deuxième tentation, le naturalisme qui consiste à rendre à César ce qui est à Dieu. On se contente alors d’une vie toute horizontale, comme si les valeurs suffisaient à la foi, et que la vertu suffisait à la sainteté. C’est une manière de penser que César n’a pas besoin de Dieu, alors que – comme le rappelait la première lecture – c’est de Dieu que vient son pouvoir. Trop souvent nous oublions la deuxième partie de la phrase de Jésus et nous ne sommes pas très attentifs à rendre à Dieu ce qui est à Dieu. C’est la tentation de ne pas voir plus loin que le bout de notre existence et de vivre à l’horizon du monde. Mais à force d’ignorer Dieu, le monde perd sa saveur comme un corps sans âme, comme une vie sans souffle.

Le piège qu’on tend à Jésus consiste à choisir là où il faut tenir un équilibre entre la justice humaine et la justice spirituelle, il n’y a pas opposition mais complémentarité. Si l’on ne rend pas à César ce qui est à César, on ne sait pas ce qui est à Dieu : c’est ainsi que la superstition provoque l’imprudence. Mais si l’on ne rend pas à Dieu ce qui est à Dieu, on se trompe sur ce qui est à César, c’est ainsi que l’irréligion conduit à l’idolâtrie. Dans les deux cas, ça se termine mal !

Que Notre Dame, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse qu’elle nous apprenne à ne pas mépriser ce qui nous est confié pour que notre foi soit active. Porte du Ciel qu’elle nous rappelle ce que nous avons reçu pour que notre charité se donne de la peine. Reine des Saints qu’elle nous indique ce qui nous est promis pour que notre espérance tienne bon et que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

Partager cet article
Repost0
27 septembre 2020 7 27 /09 /septembre /2020 13:11

26TOA

26° dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Pour une fois, on ne peut pas dire que Jésus fasse dans la subtilité ! La morale de l’histoire qu’il propose est désarmante d’évidence. Vaut-il mieux refuser et faire ou accepter et ne pas faire ? C’est un peu comme si l’on demandait s’il vaut mieux être riche et bien portant ou pauvre et malade !

La première lecture semble apporter une précision d’importance. Le prophète Ézéchiel compare lui aussi deux situations : le juste qui finit par commettre le mal et le méchant qui finit par pratiquer la justice. C’est un peu le même scénario que les deux fils du maître de la vigne, mais on comprend qu’il ne s’agit pas simplement de dire ou de faire, mais surtout d’aller jusqu’au bout de l’histoire. Il ne suffit pas de bien commencer, il faut encore bien finir. Et la nuance n’est pas négligeable. Nous avons tendance à penser les choses dans l’instant, alors que nous vivons dans la durée. Certes on peut apprécier une bonne action et détester une mauvaise, mais pour juger une personne – si tant est que ce soit à nous de juger – il vaut mieux attendre la fin. Puisqu’on est dans les évidences : rappelons-nous que tant qu’une histoire n’est pas finie, elle n’est pas terminée ! C’est à la fois une source d’espérance, parce que cela permet de se repentir, de réparer et de s’améliorer ; mais c’est aussi une exigence, parce que cela implique d’être vigilant et persévérant pour ne pas s’endormir sur nos lauriers et croire qu’après avoir coché la case, il n’y a plus rien à faire. A ce propos, il y aurait beaucoup à méditer sur le fait que l’on pense plus souvent la foi en termes de croyances qu’en terme de fidélité.

Pourtant il ne faudrait pas se limiter à la parabole : Jésus explique ensuite comment celle-ci s’applique aux grands prêtres et aux anciens. « Les publicains et les prostituées ont cru à la parole de Jean Baptiste, mais vous-mêmes vous ne nous êtes pas repentis ». Ce qui est en jeu ce n’est donc pas d’abord de savoir qui a fait ce qu’il fallait, mais de savoir si l’on est capable de changer. C’est pour ça que Jésus raconte l’histoire des deux fils : pour montrer l’importance du repentir, c’est-à-dire du changement. Pourquoi les grands prêtres et les scribes ne se sont pas repentis à la prédication de Jean Baptiste ? On peut imaginer qu’ils pensaient que c’était normal que les publicains et les prostituées changent de vie, mais qu’eux-mêmes n’avaient pas besoin de changer ! Pourtant, voilà le visage de la fidélité que le Seigneur nous demande : la disponibilité à nous convertir. On retrouve ici le conseil que donne saint Paul aux Philippiens : « Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes ». Si nous pensons que nous sommes parfaits, que nous n’avons aucun progrès à faire, que nous n’avons qu’à faire ce que nous avons toujours fait, alors nous pouvons être sûr que nous ne ferons pas la volonté du Père et que nous nous éloignerons de la justice qui conduit au Royaume de Dieu.

Quand on parle de conversion, on pense souvent à des retournements spectaculaires, comme le chemin de Damas de saint Paul, ou la rencontre de Charles de Foucauld avec l’abbé Huvelin. Pourtant il y a d’autres conversions plus discrètes mais non moins importantes, par exemple celle de Thérèse de Lisieux qui sèche ses larmes pour vivre le soir de Noël dans la simplicité de la joie. Et les uns comme les autres ont vécu d’autres conversions qu’on ne raconte pas, mais qui ont construit leur fidélité. Même après une conversion spectaculaire, il y a toujours des conversions ordinaires : ce qu’on accepte de faire pour rendre service ou pour faire plaisir, les renoncements inconnus et les consentements ignorés ; les changements liés à une situation ou à des événements, les engagements tenus lorsqu’on a envie de tout envoyer balader … toute la vie peut être l’occasion de se convertir, c’est-à-dire de se rendre disponible à la volonté du Père, même quand dans un premier temps on ne voulait pas.

Comment reconnaître un point sur lequel on peut se convertir ? Les deux fils peuvent nous inspirer le discernement : revenir sur ce qu’on a refusé ou faire ce qu’on a accepté. Mais dans la parabole le personnage le plus important, c’est le Père. Parce que c’est toujours en réponse à la demande de leur père que les fils se déterminent. C’est l’appel du père que le premier refuse et que le second accepte ; mais c’est aussi la volonté du père que le premier finit par faire et que le second ne fait jamais. Aussi c’est bien par rapport à la parole de Dieu que nous devons examiner nos vies : qu’est-ce que nous avons refusé au Seigneur ? qu’est-ce que nous lui avons promis ?

Que Notre Dame, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Vierge Fidèle, qu’elle soutienne notre persévérance pour que nous puissions demeurer fermes dans la foi. Refuge des Pécheurs qu’elle guide notre repentir pour que nous puissions progresser dans l’espérance. Mère du Bel Amour, qu’elle nous accompagne dans l’humilité pour que nous acceptions les conversions qui nous feront grandir dans la Charité et qu’ainsi nous demeurions en Dieu comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.

Partager cet article
Repost0
6 septembre 2020 7 06 /09 /septembre /2020 13:08

23TOA

23° dimanche du Temps Ordinaire - Année A

« Je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël » c’est par ces mots que le Seigneur explique à Ezéchiel ce qu’il attend de lui. Et la description plus concrète de cette mission de guetteur ressemble étrangement à ce que Jésus demande à ses disciples : « tu avertiras le pécheur de changer de comportement : s’il t’écoute, tant mieux pour vous deux ; s’il refuse de t’écouter, tant pis pour lui ! » Ainsi, peut-on considérer que le Seigneur nous demande à nous aussi d’être en quelque sorte des « guetteurs de son cœur ». Voyons ce que cela implique. 

Un guetteur doit avoir plusieurs qualités. D’abord il doit avoir une bonne vue, ensuite il doit rester vigilant, enfin il doit pouvoir se faire entendre pour transmettre et avertir de ce qu’il a vu. S’il ne voit rien, s’il ne fait pas attention ou s’il ne peut pas communiquer, il ne sert pas à grand-chose. 

Avoir une bonne vue, pour le guetteur du cœur de Dieu, ce n’est évidemment une question physique. La vue dont il s’agit, c’est la connaissance de ce Dieu attend. Si on ne sait pas ce qu’est un péché, on ne peut pas avertir celui qui le commet ! Ainsi la première chose que nous devons rechercher, c’est la connaissance de la volonté de Dieu. Et pour cela le Seigneur nous a donné sa parole. Il ne nous suffit pas de nous appuyer sur nos émotions ou sur nos idées, il faut que nous nous laissions façonner par la parole de Dieu pour penser comme Dieu pense, pour ressentir ce que Dieu ressent. Le prophète Jérémie prenait l’image du potier qui façonne l’argile. Le potier c’est le Seigneur, et l’argile c’est nous. En lisant la parole de Dieu, en nous laissant guider et transformer par elle, notre cœur se modèle de plus en plus à l’image du cœur de Dieu. Ça ne se fait pas en un instant, ça prend du temps et nous devons développer en nous cette intimité, cette passion pour la Parole.

Mais le guetteur aura beau avoir une bonne vue, s’il ne regarde pas il ne verra rien. Il lui faut donc cette vigilance qui fait le bon guetteur, celui qui ne se laisse pas distraire. Comment pouvons-nous garder cette vigilance du cœur de Dieu ? Par la prière qui maintient notre cœur en éveil. Mais la parole de Jésus nous avertit : la prière n’est pas une affaire purement personnelle : « si deux d’entre vous se mettent d’accord », « quand deux ou trois sont réunis en mon nom ». La prière se déploie en plénitude dans la communion. Bien sûr il y a une dimension personnelle dans la prière, mais si nous croyons que cela suffit nous sommes dans l’illusion. Celui qui pense retrouver Dieu sans jamais rejoindre les autres ne fait que se retrouver lui-même. C’est la raison pour laquelle nous nous retrouvons dans l’église pour célébrer ensemble les mystères du Seigneur : la liturgie est la source et le sommet de la vie spirituelle, c’est elle qui nous évite de nous endormir. 

Pourtant il y a encore une troisième attitude à développer pour être guetteur du cœur de Dieu, c’est la capacité à se faire entendre. Celui qui reste dans sa tour d’ivoire sans partager ce qu’il a découvert ne sert pas à grand-chose. Pourtant celui qui prétend donner des leçons sans les pratiquer lui-même n’est pas plus audible. Saint Thomas d’Aquin remarquait qu’il était difficile de reprocher un péché à quelqu’un si l’on commet soi-même ce péché ou des péchés plus graves. Jésus parlait de la paille et de la poutre. Aussi devons-nous être attentifs à pratiquer ce que nous croyons, et comme dit Saint Paul, l’accomplissement de la Loi, c’est l’amour. C’est bien l’amour de charité qui achève de faire de nous les guetteurs que le Seigneur attend. Dans la correction fraternelle, l’amour se manifeste d’abord dans la discrétion qui est la manière de respecter l’autre, puis dans l’obéissance en acceptant que d’autres vérifient ce que nous prétendons, enfin dans la justice pour que ça ne soit pas une affaire de personnes ou d’émotions mais de vérité. Sans l’amour, le prophète est un idéologue, un moraliste ou une mouche du coche : c’est l’amour qui fera de nous d’authentiques guetteurs du cœur de Dieu. 

« Ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ». Si nous voulons vraiment que s’accomplisse en nous ces paroles du Seigneur, nous devons être des guetteurs qui voient bien parce qu’ils se laissent façonner par la Parole de Dieu, des guetteurs vigilants parce qu’ils gardent l’unité dans la prière, des guetteurs efficaces parce qu’ils peuvent partager dans la charité. 

Que Notre Dame, avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse, qu’elle dispose nos cœurs à se laisser former par la Parole de Dieu ; Temple de l’Esprit Saint, qu’elle nous garde dans la fidélité à la prière ; Mère du Bel Amour qu’elle nous encourage à aimer toujours plus et toujours mieux, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

Partager cet article
Repost0
2 août 2020 7 02 /08 /août /2020 10:27

18T0A

18° dimanche du Temps Ordinaire - Année A

 

En entendant le récit de la multiplication des pains, on s’émerveille généralement de cette prouesse qui consiste à rassasier cinq mille hommes (sans compter les femmes et les enfants), grâce à cinq pains et deux poissons, tout en ayant encore une marge de douze paniers. Il est vrai que l’événement est peu banal, et qu’on pourrait rêver de le reproduire pour résoudre un certain nombre de problèmes dans le monde. Mais l’on pourrait tout autant s’émerveiller d’autres aspects de cette histoire. 

D’abord, il y a l’attitude de Jésus lorsqu’il débarque. Il s’était retiré après avoir appris la mort de Jean-Baptiste. Sans doute cherchait-il un peu de calme, peut-être était-il plus prudent de se faire discret compte tenu de l’agitation du moment … et le voilà « saisi de compassion » pour la foule qui le cherche et le précède. Il était plus facile pour lui que pour nous de percevoir l’attente de cette foule qui n’est là ni par curiosité, ni par hasard ; d’autant qu’on peut penser que le trajet était plus court en barque qu’en suivant le rivage. Mais ne nous habituons pas trop vite à l’idée que Dieu se laisse toucher par la misère des hommes. Il serait bien plus logique qu’il s’en préserve, ou au moins qu’il ne consente qu’à ce qu’il a décidé. Mais voilà, Jésus se laisse désarmer par l’espoir de ceux qui sont là, et renonçant au repos ou à la prudence, il va s’occuper longuement de cette foule. Admirable sollicitude divine, remarquable tendresse de la miséricorde qui rejoint la simplicité de l’invitation transmise par le prophète Isaïe : « vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ». 

Ensuite, il y a la réponse que Jésus fait à la remarque des disciples : « donnez-leur vous-même à manger ». Leur observation était pleine de bon sens : les gens sont très nombreux, et l’endroit est désert, la situation peut rapidement devenir critique. Eux-mêmes n’ont pas grand-chose : cinq pains et deux poissons, ça ne fait pas beaucoup pour douze personnes ! Mais la phrase du Seigneur est un appel à ne pas se réfugier derrière notre pauvreté pour s’exempter du partage et de la solidarité. Si nous étions tentés de nous appuyer sur la providence divine pour nous dispenser de faire attention aux autres, la réponse de Jésus nous prend à contre-pied. Avec lui, ce n’est pas « chacun pour soi et Dieu pour tous ». La parole du Seigneur est aussi dérangeante pour les réflexes égoïstes que l’oracle d’Isaïe : « venez achetez et consommer sans rien payer ». Si la générosité de la miséricorde divine est admirable, il est tout autant admirable que Dieu compte sur nous, malgré nos limites. Même s’il ne nous laisse pas seuls, même s’il transfigure notre disponibilité, combien est remarquable cette confiance qui ne veut pas agir sans nous. 

Enfin on peut encore s’étonner de la dernière action évoquée par l’évangéliste : « On ramassa les morceaux qui restaient ». Bien sûr il faut laisser propre l’aire de pique-nique ; bien sûr cela permet de mesurer la générosité du miracle qui donne largement plus que le nécessaire … mais il y a plus à admirer que la politesse écologique ou le bilan miraculeux ! A travers ce geste de respect pour le don de Dieu, transparaît la notion de permanence et de durée … en termes spirituels et bibliques on pourrait parler d’alliance. L’action de Dieu n’est pas ponctuelle et ne se limite pas à l’instant. Le Seigneur n’est pas un distributeur pratique vers qui on se tourne en cas de problème et que l’on oublie quand tout va bien. Il est une source et un chemin, une constance qui invite à la fidélité. C’est bien ce que rappelait Isaïe, c’est aussi ce qu’exprimait saint Paul dans le beau texte de la deuxième lecture. 

Sans doute la multiplication des pains est-elle un épisode marquant de l’histoire de Jésus (peut-être plus pour les disciples que pour la foule qui en a bénéficié),  mais il y a beaucoup plus à admirer que le miracle : il y a la miséricorde d’un Dieu qui se laisse toucher par l’espoir des hommes, il y a la confiance de celui qui n’agit pas sans nous, il y a la fidélité du Seigneur qui nous entraîne dans son alliance. Depuis bien longtemps, on a remarqué que les mots employés par saint Matthieu rappelaient ou plutôt annonçaient l’eucharistie : « il prit les pains, dit la bénédiction, les rompit et les donna à ses disciples ». Que ce soit l’occasion pour nous d’y découvrir non seulement le grand miracle, mais surtout le signe de l’amour de Dieu, son appel à nous investir, et son invitation à vivre l’alliance. 

Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Mère de Miséricorde qu’elle nous apprenne à creuser en nous le désir de Dieu pour que notre prière puisse toucher son cœur. Servante du Seigneur qu’elle nous rende disponibles à l’engagement pour que la grâce puisse transfigurer nos limites. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle nous accompagne dans la fidélité pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

Partager cet article
Repost0
12 juillet 2020 7 12 /07 /juillet /2020 13:09

15TOA

15° dimanche du Temps Ordinaire - Année A

 

La parabole du semeur est une des perles de l’évangile. Elle mériterait qu’on la connaisse par cœur, non pas tellement dans les détails du texte qu’on apprendrait comme une récitation, mais il faudrait se souvenir souvent de la dynamique de l’enseignement, des images utilisées et de ce qu’elles signifient. On peut dire que dans cette parabole, Jésus nous donne le mode d’emploi de la parole de Dieu. Pour qu’elle soit féconde et puissante comme le disait Isaïe ; pour qu’elle porte du fruit et transforme notre vie, il faut lui laisser du temps.

D’abord, avant de laisser du temps à la Parole, il faut lui laisser une chance c’est-à-dire être disponible. C’est précisément ce que ne fait pas le premier terrain : le bord du chemin où il n’y a aucune chance que la semence ne germe. Il ne faut pas être de ceux qui voient sans regarder, qui entendent sans écouter. C’est sans doute la raison pour laquelle Jésus parle en parabole. Parce que dans une parabole, il est clair qu’il y a plus à voir que ce qu’on a aperçu, plus à entendre que ce qu’on a saisi. Pour laisser une chance à la parole il faut être prêt à se laisser surprendre et à se laisser instruire. Si la Bible ne vous dérange jamais, si vous pensez avoir tout compris, alors il y a des chances que vous ayez des yeux qui ne voient pas et des oreilles qui n’entendent pas !

Laisser du temps à la parole, c’est aussi la recevoir dans la fidélité et la confiance. Ce qui n’est pas le cas du terrain caillouteux. Image dit Jésus de ceux qui sont les hommes d’un moment. C’est sans doute l’un des grands défis à notre époque où tout est fait pour que nous soyons guidés par l’émotion ! Isaïe compare la Parole à la pluie et à la neige. Traditionnellement dans les cultures méditerranéennes la pluie est une bénédiction, mais soyons honnêtes, c’est rarement comme ça que nous la percevons. Parce que quand elle tombe, on a plutôt tendance à maugréer : sur le moment elle nous contrarie et on ne l’apprécie que si elle tombe doucement pendant la nuit, quand on peut l’éviter. Pour profiter des bienfaits de la pluie ou de la neige, il faut du temps. De même la Parole de Dieu est efficace, mais non pas comme une formule magique qui agit instantanément, c’est dans la durée qu’elle déploie sa fécondité et sa puissance, c’est avec le temps qu’elle transforme notre vie. 

Enfin, pour laisser du temps à la Parole, il faut lui en donner. Ce qui veut dire qu’il faut la choisir et la préférer. C’est ce que ne fait pas le terrain plein de ronces : il est encombré d’autres graines, et la semence du semeur est en concurrence avec les autres. Quand il y a trop de choses, quand tout se vaut, c’est le plus bruyant qui domine, c’est la loi du plus fort qui règne. Mais Dieu ne fait pas de bras de fer, alors sa parole est étouffée par les urgences, par l’immédiat ou le spectaculaire. Parfois sur les réseaux sociaux, on voit des gens pieux publier des citations de la Bible. Mais il faut reconnaître qu’elles sont un peu noyées dans la multitude des publications. Ne comptons pas sur nos amis Facebook pour connaître la Parole de Dieu ! Prenons-la, prenons le temps de la lire par nous-même, prenons du temps pour lui donner une place dans notre vie, dans notre réflexion et dans nos décisions. Si l’on ne s’arrête pas pour laisser un temps à la méditation de la Parole de Dieu, elle finit par s’effacer de notre cœur, diluée par tout le reste.

Oui la Parole de Dieu est puissante, elle nous est donnée pour connaître les mystères du Royaume des Cieux, elle éclaire notre vie en la guidant, elle transforme nos cœurs en les modelant à l’image et à la ressemblance du cœur de Dieu. Mais elle n’agit pas sans nous. Si elle est semée largement, il nous appartient d’être la bonne terre, celle qui lui permettra de s’épanouir. Par notre disponibilité, nous pouvons attendrir ce qui sinon serait un terrain aride, par notre fidélité, nous pouvons approfondir ce qui pourrait n’être qu’une couche superficielle sur les cailloux, par notre implication, nous pouvons dégager les ronces qui pourraient l’étouffer.

Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle nous rende disponibles à la Parole de Dieu pour la comprendre et l’accepter. Secours des chrétiens, qu’elle nous soutienne dans la persévérance et la fidélité malgré les difficultés. Mère du Bel Amour, qu’elle nous apprenne à préférer la Parole pour qu’elle puisse accomplir en nous sa mission, et que nous demeurions en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles. 

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2019 7 27 /10 /octobre /2019 11:36

30TOC

30° dimanche du Temps Ordinaire - Année C

La première lecture est une sorte de méditation sur la prière. On pourrait dire que l’auteur commence par contempler le cœur de Dieu, puis il contemple ensuite le cœur des hommes qui se présentent devant Dieu. Et l’on trouve alors cette phrase extraordinaire : « la prière du pauvre traverse les nuées ». Or d’une certaine manière l’évangile vient illustrer cette méditation en présentant deux hommes priant au Temple. Deux hommes très différents qui ont deux attitudes très différentes. Cela peut nous aider à comprendre ce que c’est qu’une prière de pauvre. 

D’abord, on comprend facilement que le pauvre qui prie correctement dans l’évangile, c’est le publicain ... donc sans doute le plus riche financièrement ! Ainsi il ne s’agit pas d’une pauvreté économique mais d’une pauvreté de cœur … ça n’est, Dieu merci – si j’ose dire – ni incompatible, ni équivalent.

Quelle est donc cette pauvreté ? Ben Sira poursuit sa réflexion : « tant que la prière n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable ». Voilà un bon indice pour comprendre ce qu’est une prière de pauvre : c’est la prière de celui qui n’a pas d’autres solutions, c’est la prière de la dernière chance. Bien souvent on peut être tenté de faire une prière comme on explore les possibilités : si ça ne marche pas on essaiera autrement. La prière du pauvre c’est au contraire celle qui n’a pas d’alternative, qui n’a pas de solution de secours. C’est la prière qui nous prend tellement aux tripes qu’on la poursuit tant qu’elle n’est pas exaucée, à la manière de la veuve demandant justice au juge inique. Voilà un premier critère pour avoir une prière de pauvre : celle qui est notre dernier recours et dans laquelle on s’investit presque malgré nous. 

Ensuite il y avait l’histoire des deux hommes dans le Temple. Là on a un contre-exemple : c’est la prière du pharisien. Elle est formellement parfaite : une action de grâce pour de bonnes et pieuses actions, mais elle est odieuse par la suffisance qu’elle manifeste. C’est une prière à la première personne du singulier qui en profite pour mépriser les autres. Comme si la valeur d’une personne s’établissait par comparaison. Notre ambition spirituelle ne doit pas d’être meilleur ou pire que les autres, mais d’être en vérité devant Dieu. Pour cela, la prière du pauvre est celle qui se concentre sur Dieu. Et vous remarquerez que la prière du publicain est à la deuxième personne. C’est un deuxième critère pour avoir une prière de pauvre : se tourner résolument et exclusivement vers le Seigneur, s’en remettre profondément et radicalement à sa volonté. 

Enfin nous avons entendu aussi le témoignage de Paul. D’une certaine manière c’est aussi sa prière et c’est une prière de pauvre. Chacun aura remarqué que le texte est à la première personne du singulier ... ce qui montre que la grammaire n’est pas aussi décisive que le cœur ! Mais c’est surtout une prière de confiance et d’amour. Au lieu de se mettre au-dessus des autres saint Paul les entraîne avec lui : « le Seigneur me donnera la récompense, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront désiré avec amour sa manifestation glorieuse ». Il ne voit pas Dieu en vis-à-vis mais côte-à-côte. Certes tous l’ont abandonné, certes il est tout tourné vers Dieu, mais ça n’est pas par dépit qu’il prie et qu’il espère, c’est par amour qu’il persévère et qu’il se confie. Car il y a un lien entre l’amour et la pauvreté, au sens où aimer ce n’est pas prendre mais donner, et qu’il y a une espèce de dépouillement qui grandit avec l’amour et qui fait grandir l’amour. 

Nous voilà donc avec trois critères pour reconnaître une prière de pauvre : c’est une prière qui vient du plus profond de nous, qui est tournée radicalement vers Dieu et qui nous unit toujours plus à lui. Il ne s’agit pas tant de vérifier si l’on est dans de bonnes dispositions : ce serait viser une satisfaction qui pourrait bien conduire à une prétention masquée. Ces critères nous aident surtout à accepter notre situation et à regarder dans quelle direction progresser, car la première manifestation de la pauvreté, c’est de réaliser que tout reste à faire et que la perfection est encore bien loin ! 

Que la Vierge Marie nous aide à accepter notre pauvreté pour que notre prière puisse traverser les nuées. Vierge patiente, qu’elle nous donne le courage d’abandonner les fausses sécurités pour nous appuyer seulement sur le Seigneur. Miroir de la Sainteté divine, qu’elle tourne nos cœurs et nos vies vers Dieu pour qu’il soit notre seul horizon et notre seul désir. Mère du Bel Amour qu’elle nous accompagne dans le souffle de l’Esprit pour que nous puissions aimer comme nous sommes aimés dès maintenant et pour les siècles des siècles. 

Partager cet article
Repost0
29 septembre 2019 7 29 /09 /septembre /2019 14:40

26TOC

26° Dimanche du Temps Ordinaire - Année C

Bon, voilà encore une histoire de pauvre et de riche, et comme de bien entendu, dans cette histoire les riches sont les méchants et les pauvres les gentils … l’avantage c’est qu’il y a toujours plus riche que nous, le problème c’est qu’il y a aussi toujours plus pauvre que nous ! Cela dit, quand on lit attentivement, il n’est rien dit sur la moralité des uns ou des autres. La phrase que Jésus met dans la bouche d’Abraham semble plutôt porter le jugement sur un autre plan : celui du bonheur et du malheur, comme si ceux qui sont heureux sur terre devaient être malheureux ensuite. 

Certains athées se sont indignés contre cette vision des choses et, considérant qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, ils préfèrent être heureux sur terre … évidemment c’est un pari, celui que rappelait Pascal, parce que cela suppose qu’il n’y a pas d’éternité ! Mais – comme on dit – personne n’est revenu pour nous dire ce qu’il y a après la mort. En fait ce n’est pas très juste. D’abord il y a Lazare, l’ami de Jésus mais il est vrai que s’il est revenu il n’a rien raconté. En revanche il y a bien Jésus qui est revenu d’entre les morts, et il a dit ce que disaient déjà Moïse et les prophètes. 

Donc, si nous croyons Moïse et les Prophètes et même Celui qui est ressuscité d’entre les morts, il faudrait donc être malheureux et renoncer au bonheur sur cette terre ? A propos de prophètes, la première lecture nous rapportait les paroles du prophète Amos, sur un sujet un peu semblable. Il dénonçait l’insouciance de ceux qui se vautrent dans le luxe, sans se soucier du désastre autour d’eux. Et voilà peut-être la pointe du sujet : à quel prix payons-nous notre confort ? Car il faut bien reconnaître qu’il s’agit plutôt de confort que de bonheur. Et puis surtout, que faisons-nous face au malheur et à la souffrance des autres ? 

C’est qu’il ne s’agit pas de payer notre confort au prix de l’indifférence ou de l’aveuglement. Évidemment, se préoccuper de ce qui ne va pas ou soulager la souffrance de celui qui est dans l’épreuve, cela trouble un peu notre bien-être, mais devons-nous rechercher le confort à tout prix ? D’autant qu’il y a un autre prix payé et c’est le dialogue entre le riche et Abraham qui le révèle : à rechercher le confort par tous les moyens, on finit par être centré sur soi, incapable de s’ouvrir aux autres : du fond de la fournaise, il s’attend encore à être le centre du monde : il ne craint pas de donner un ordre à Abraham, il faudrait que Lazare franchisse l’abîme pour lui venir en aide, alors que lui-même n’a pas franchi le portail pour le soulager, il se préoccupe de ses frères, et c’est lui qui sait mieux que tout le monde ce qu’il convient de faire ! Cette logique du « tous pour moi » n’est qu’une variante du « chacun pour soi » qui finit par se retourner contre nous lorsqu’on a besoin d’aide.

Et voilà que nous rejoignons l’enseignement de saint Paul : « mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! ». Celui qui est centré sur lui-même ne peut pas croire, parce que croire, c’est accepter qu’un autre me dise ce qui est bien ou vrai, ce qu’il faut faire. Croire c’est remettre les rênes de nos vies entre les mains d’un autre et donc le faire passer avant nous. La vie éternelle n’est pas une affaire morale ni économique, c’est une affaire de foi. Ça veut dire qu’on accepte que les choses ne soient pas comme on les pense ou comme on les voudrait, ça veut dire que l’on ne sait pas tout et que l’on est prêt à apprendre et à changer d’avis, ça veut dire qu’on accepte d’être dérangé quand on peut faire quelque chose parce que notre tranquillité est moins importante que ce qu’on peut soulager. 

Alors oui, il faut accepter que notre bonheur sur terre ne soit ni parfait, ni complet ; il faut accepter de se laisser toucher par la misère qui attend notre superflu et ne pas s’enfermer dans le confort d’un moment pour se préoccuper de ce qui peut être rectifié. Si Jésus est ressuscité d’entre les morts, c’est que la souffrance n’a pas le dernier mot, à condition qu’on ne l’ignore pas, mais qu’on accepte de la dépasser en aidant et en se faisant aider.

Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Consolatrice des affligés, qu’elle ouvre nos yeux à ceux qui ont besoin de nous ; Trône de la Sagesse, qu’elle ouvre nos cœurs à la Parole de Dieu ; Reine du Ciel qu’elle ouvre nos vies à la présence du Seigneur qui nous invite à partager sa gloire dès maintenant et pour les siècles des siècles. 

Partager cet article
Repost0