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14 juin 2020 7 14 /06 /juin /2020 13:20

CSXA

Solennité du Corps et le Sang du Christ - année A

Comme tous les ans, il nous est proposé de consacrer un dimanche pour méditer et approfondir le mystère eucharistique. C’est une démarche un peu typiquement catholique et qui n’est pas toujours comprise par les autres chrétiens … encore moins par les autres religions. On l’a d’ailleurs vu, il y a quelques semaines, lorsqu’il s’est agi de ne pas inclure la célébration publique des cultes dans la première étape du déconfinement, les catholiques ont été pratiquement les seuls à protester. Pourquoi ? Nous pouvons peut-être le percevoir en essayant de mieux comprendre ce que représente pour nous le saint sacrement du corps et du sang du Christ. 

La première objection consistait à dire que la messe n’était pas essentielle pour la vie spirituelle. On peut sans doute nuancer cette position, mais la première lecture nous aidera à mieux comprendre l’importance de ce pain du ciel que préfigurait la manne. Il s’agissait, pour Dieu, de faire passer le peuple par la pauvreté « pour savoir ce que tu as dans le cœur ». Il y a donc une sorte de nécessité qui se manifeste dans la privation plutôt que dans l’absence. Qu’on ait besoin de l’air pour respirer, on le réalise immédiatement, mais la nourriture est aussi indispensable, même si l’on peut s’en priver partiellement ou temporairement. L’importance de l’eucharistie est de cet ordre. Elle fait partie des choses essentielles même si on ne le ressent pas, même si on ne s’en aperçoit pas ou pas tout de suite. Mais ne nous trompons pas, le souvenir de la faim s’estompe rapidement lorsque nous sommes rassasiés. Cette fête du Corps et du Sang du Christ est l’occasion de vérifier que nous n’oublions pas trop rapidement combien l’eucharistie est essentielle. La tentation est grande de penser que tout est revenu à la normale. Pourtant on nous demande encore quelques mesures – désagréables certes – mais les supporter loyalement comme le signe que nous sommes prêts à quelques sacrifices pour pouvoir assister à l’eucharistie, n’est-ce pas une manière de continuer à réaliser combien nous y tenons ? Ce que nous avons vécu est certainement une épreuve de pauvreté pour savoir ce que nous avons dans le cœur. Ne l’oublions pas trop vite !

Bien sûr, pendant ce temps nous avons pu, par les différents médias, suppléer à l’absence des messes par des retransmissions. Certains pensent donc qu’il suffit de voir et d’entendre. Pourtant ce n’est pas la même chose que de vivre ! Le discours du pain de vie que nous avons entendu dans l’évangile est le moment où s’est opéré une sorte de tri entre tous ceux qui suivaient Jésus. Ceux qui ne s’intéressaient qu’aux idées sont partis, décontenancés ; ceux qui sont restés, ce sont ceux qui étaient intéressés à la présence, ceux qui avaient un attachement viscéral au Seigneur, une confiance inconditionnelle en Lui. La Fête-Dieu est née justement pour réagir contre ceux qui faisaient de l’eucharistie une idée plutôt qu’une réalité. Les idées ne sont pas toujours opposées à la réalité, mais quand il faut choisir entre les idées et la réalité, il faut préférer la réalité. Ce n’est pas parce qu’on a vu une émission culinaire qu’on devient un bon cuisinier ! Ça peut aider, ça peut stimuler, mais ça ne remplace pas l’expérience. A travers les mots de Jésus on est mis au pied du mur : l’eucharistie est-elle pour nous une idée ou une expérience ? Pendant quelques semaines on a beaucoup vécu dans le virtuel … mais le virtuel ce n’est pas le réel, et dès que cela est possible, il vaut mieux préférer le réel au virtuel. 

Enfin, on nous a bien expliqué que le problème sanitaire était lié au rassemblement, et certains ont prétendu que la religion étant d’ordre privé, on n’avait pas besoin de se rassembler pour prier. Certes on peut prier tout seul. Jésus recommande même de prier dans le secret de sa chambre. Mais l’eucharistie est plus qu’une prière, elle est une communion, une force d’unité et l’on ne fait pas l’unité tout seul ! C’est cette dimension de communion que rappelait saint Paul aux Corinthiens : « la multitude que nous sommes est un seul corps ». L’eucharistie fait l’église comme l’église fait l’eucharistie dit un ancien proverbe. Il ne faut pas opposer l’eucharistie et la charité, ni substituer l’un à l’autre. L’Eucharistie sans la charité est illusion, mais la charité sans l’eucharistie est épuisement. On ne peut renoncer au rêve de l’unité du genre humain, mais on ne peut atteindre ce rêve qu’en se laissant guider et nourrir par l’amour de Dieu. On remarque d’ailleurs dans l’histoire que, chaque fois que l’eucharistie a été relativisée ou délaissée, la communauté s’est fragmentée et dispersée Construire un monde meilleur sans puiser à la source, c’est entreprendre une nouvelle tour de Babel.

La fête du Corps et du Sang du Christ peut être cette année l’occasion de « savoir ce que nous avons dans le cœur ». L’eucharistie est cette nourriture de pauvreté qui nous permet de réaliser à quel point la parole du Seigneur nous fait vivre, y compris son commandement : « faites ceci en mémoire de moi ». L’eucharistie est aussi le lieu où nous expérimentons ce que nous croyons pour que notre foi ne soit pas une idée mais un attachement fondamental à la présence de Dieu. L’eucharistie est enfin le moment où nous entrons dans le cœur de Dieu, non pas dans un face à face égoïste, mais dans une communion aux dimensions de l’éternité. 

Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Secours des chrétiens qu’elle nous permette de nous attacher toujours plus au don de Dieu. Temple de l’Esprit Saint qu’elle nous conduise au plus près de l’amour qui se donne. Mère de l’Église qu’elle nous entraîne dans l’unité que le Seigneur espère, pour que nous demeurions en Lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles. 

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