careme
Viens dehors !
5CAA
5° dimanche de carême - Année A
Ez 37,12-14 ; Ps 129 ; Ro 8,8-11 ; Jn 11,1-45
« Lazare, viens dehors ». Puisque la résurrection de Lazare préfigure le mystère de Pâques, on peut penser que ces mots sont le modèle de tout appel chrétien. A chacun de nous, à chaque moment de notre histoire, le Seigneur adresse cet appel à sortir de l’obscurité des tombeaux pour venir à la lumière de la vie. Lumière de la vie éternelle par le baptême, lumière de l’amour par le mariage, lumière de la paix par le pardon, lumière du service par l’engagement, lumière du mystère par la consécration religieuse … d’une manière ou d’une autre l’appel de Dieu est un appel à « venir dehors ». Mais pour répondre à cet appel, Lazare a dû dépasser trois obstacles qui nous aideront à mieux comprendre comment répondre nous-mêmes aux appels de Dieu.
Le premier obstacle, c’est la pierre roulée devant le tombeau. Ce n’est pas forcément l’obstacle le plus difficile, mais c’est le plus évident. C’est pourquoi, avant toute chose, Jésus demande qu’on enlève la pierre. Évidemment Marthe doute : à quoi bon ? « Il sent déjà, c’est le quatrième jour qu’il est là ». Alors Jésus répond « Si tu crois tu verras la gloire de Dieu ». Pour que l’appel de Dieu soit possible, il faut donc un acte de foi. Est-ce que nous faisons confiance à l’Évangile ? Est-ce que nous croyons que la vie chrétienne est possible aujourd’hui ? Que le mariage selon le cœur de Dieu est possible aujourd’hui ? Que l’engagement et le témoignage sont possibles aujourd’hui ? Si nous ne faisons pas un acte de foi, si nous ne faisons pas confiance à l’Évangile, Dieu pourra toujours appeler, personne ne pourra répondre ! Car il ne s’agit pas que de nous : ce n’est pas Lazare qui bouge la pierre, ce sont les autres. C’est notre foi qui rend possible l’appel de Dieu pour les autres. C’est vrai pour la foi des parents et la vocation des enfants, mais aussi pour les conjoints, pour les amis, pour la paroisse : si nous ne vivons pas dans un climat de foi, ceux qui nous entourent ne pourront pas répondre à l’appel du Seigneur.
Une fois le tombeau ouvert, il y a tout de même un deuxième obstacle qui paraît insurmontable : la mort. Si Lazare est mort, il ne peut pas entendre la voix de Jésus. C’est là qu’il ne faut pas hésiter à réfléchir : puisque Lazare va entendre la voix de Jésus, c’est qu’il est déjà ressuscité quand le Seigneur l’appelle. Au passage, ça explique les paroles de Jésus : « Je te rends grâce parce que tu m’as exaucé ». Ainsi la grâce de Dieu précède son appel pour que nous puissions y répondre. On se découvre capable de faire ce que Dieu nous demande. Les charismes, les dons de l’Esprit que l’on reçoit personnellement pour le bien de tous, nous disposent à ce que Dieu attend de nous. Ils nous invitent à sortir de l’enfermement du confort pour répondre à l’appel du Seigneur. Dieu ne nous demande rien d’impossible, il nous donne les moyens de faire ce qu’il attend de nous. C’est pourquoi saint Paul rappelle aux Romains : « l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous ». C’est en reconnaissant la grâce de Dieu que nous pouvons accepter de répondre à l’appel, et l’appel révèle la grâce de Dieu. Si nous hésitons à répondre à un appel, si nous trouvons difficile ce que Dieu nous demande, souvenons-nous que Dieu n’appelle pas sans donner les moyens de la mission.
Et Lazare sort. Péniblement. Il ne va pas très loin, puisqu’il a les pieds et les mains liées et un suaire sur le visage. C’est le troisième obstacle : les bandelettes qui n’empêchent pas mais qui rendent difficile la réponse et nous limitent. Ce troisième obstacle est levé par ceux qui nous entourent et qui répondent eux aussi à l’appel du Seigneur. Pour que notre vocation s’épanouisse, pour que l’appel de Dieu se déploie, nous avons besoin de l’Église. Ce qui nous en éloigne ne vient pas de Dieu. Si nous ne restons pas dans l’Église, nos projets et nos engagements restent limités. Il faut se libérer des bandelettes de l’égoïsme, de la fatigue ou de l’orgueil qui entravent et diminuent l’enthousiasme. Coupé de l’Église le service devient pouvoir ; l’engagement devient vanité ; l’étude devient idéologie. Nous ne pouvons pleinement accomplir l’œuvre de Dieu qu’en restant au cœur de l’Église : ce n’est pas seul mais ensemble que l’on répond à l’appel du Seigneur.
Aujourd’hui encore retentit pour nous l’appel du Seigneur « viens dehors » ! Pour l’accueillir nous devons réaliser que cet appel est permis par la foi, qu’il est précédé par la grâce et qu’il se déploie dans l’Église.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Vierge fidèle qu’elle fortifie notre foi pour que résonne en nous l’appel de Pâques. Porte du Ciel qu’elle nous apprenne à reconnaître les grâces qui nous sont confiées pour répondre à notre mission. Mère de l’Église qu’elle nous garde au cœur du peuple de Dieu pour que s’accomplissent en nous les promesses et resplendisse la gloire à laquelle le Seigneur nous appelle, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Complicité, absolution ou seconde chance
5CAC
5° Dimanche de Carême - Année C
Is 43, 16-21 ; Ps 125 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
« Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » … cette phrase de Jésus devant la femme adultère est devenue proverbiale. Il est vrai qu’elle est proprement géniale, et que Jésus a trouvé là un moyen extraordinaire de sortir du piège qui lui était tendu par les pharisiens. Pourtant on pourrait la comprendre de travers. Par exemple en faire la justification d’un système mafieux : puisque tout le monde a quelque chose à se reprocher, tout le monde ferme les yeux …. On imagine bien que ça n’est pas ça que Jésus veut nous dire. Reprenons le texte pour mieux le comprendre.
Jésus est en train d’enseigner, et voilà que les scribes et les pharisiens lui amènent une femme surprise en plein adultère. C’est un péché grave – très grave puisqu’il est puni de mort et d’une mort assez pénible : la lapidation. Ce n’est pas le lieu ici de reprendre ici tout l’enseignement de Jésus sur le mariage, mais – même si notre temps semble assez tolérant à l’adultère – ça reste un péché grave. Au premier temps de l’église c’était même, avec le meurtre et l’apostasie un cas d’exclusion de la communauté chrétienne. Mais revenons à la femme de l’évangile. Cette femme a été prise en flagrant délit … Le cas est on ne peut plus clair ! Pourquoi l’amène-t-on à Jésus ? C’est parce qu’on veut le piéger pour pouvoir l’accuser. La préoccupation des scribes et des pharisiens, ça n’est pas la justice, ça n’est pas la loi, c’est de piéger Jésus. La femme n’est pas importante pour eux, elle n’est qu’un prétexte. A leurs yeux elle est déjà morte : c’est Jésus qui les intéresse, c’est lui qu’ils veulent accuser.
On sait que Jésus connaissait les pensées du cœur. Il a saisi le piège, évidemment. Que fait-il ? Il se baisse et regarde ailleurs, traçant des traits sur le sol. On a beaucoup glosé sur cette attitude. Des générations de chrétiens se sont demandé ce que Jésus avait bien pu dessiner ! En fait, on peut tout simplement penser qu’il détourne son regard. Il ne veut pas voir la scène, il ne veut pas voir cette haine des accusateurs, cette femme déjà condamnée et instrumentalisée. Cette scène me fait penser à la magnifique représentation du Christ aux outrages peint par Fra Angelico au couvent San Marco à Florence. Le Christ est frappé, moqué, humilié. Il a un bandeau sur les yeux et le dessin du peintre est si fin qu’on devine, que sous le bandeau, Jésus ferme les yeux.
Mais les autres insistent. Même si Dieu ne veut pas voir le mal, il ne peut pas y échapper, et cela nous annonce déjà le temps de la Passion. Alors Jésus prononce la fameuse phrase « celui qui n’a jamais péché, qu’il lance la première pierre ». Ce n’est pas une absolution, c’est une accusation. Les accusateurs se retrouvent accusés, d’une accusation implacable, qui vient de Dieu et à laquelle personne ne peut échapper. Alors ils s’en vont, l’un après l’autre en commençant par les plus âgés – malicieuse remarque de l’évangéliste dont feraient bien de se rappeler ceux qui se trouvent trop vieux pour pécher … surtout quand il y a un soupçon de nostalgie dans cette affirmation !
Alors Jésus se relève, cette fois-ci il peut regarder la femme. Elle porte toujours le poids du péché qu’elle a commis, mais elle n’est plus condamnée d’avance. Elle est redevenue une vivante, une femme, pécheresse certes, mais vivante. Personne ne t’a condamnée ? Moi non plus je ne te condamne pas. Ce n’est pas non plus une absolution, comme celle que nous recevons dans le sacrement. C’est un sursis, une deuxième chance. Jésus retarde le moment du jugement pour lui laisser le temps de se repentir. Il ne dit pas « va en paix » mais « va et désormais ne pèche plus ». Il n’y a aucune complicité ni aucune complaisance dans le péché, il y a juste une libération, une porte qui s’ouvre à nouveau là où tout semblait terminé, une vie nouvelle qui est permise au-delà de la mort annoncée. Et c’est bien ça le cœur de la fête de Pâques qui approche maintenant. C’est ce que le Christ nous permet par sa résurrection.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole, à nous laisser toucher par cet évangile. Elle qui est le Refuge des pécheurs, qu’elle nous obtienne un temps de grâce pour nous convertir, pour nous ouvrir plus pleinement à la vie divine. Elle qui est la Porte du Ciel, qu’elle nous montre le chemin de la justice, non pas la justice de la loi, mais la justice de la foi. Elle qui est la Mère de miséricorde qu’elle nous montre comment aimer selon le cœur de Dieu, dès maintenant et pour les siècles des siècles
Trois détails intrigants
4CAC
4° Dimanche de Carême - Année C
Jos 5, 10-12 ; Ps 33 (34) ; 2 Co 5,17-21 ; Lc 15, 1-3.11-32
Quel merveilleux texte que cet évangile du fils prodigue ! Une de ces perles de l’évangile que l’on aime à lire et relire. Un texte facile à comprendre, agréable à entendre. La joie du Père comme fruit de la conversion du fils, n’est-ce pas merveilleux ? Mais c’est aussi un véritable calvaire pour le prédicateur qui se demande bien ce qu’il va pouvoir dire de plus sur le sujet ! Je relisais studieusement le texte lorsque je me suis aperçu qu’il y avait au moins trois détails intrigants qui méritent qu’on l’on approfondisse notre méditation.
Tout d’abord, la situation du fils, pendant la famine. Il va se faire embaucher chez un homme d’un pays lointain, mais personne ne lui donne rien. Quel type d’employeur est cet homme qui ne paye pas, au moins modestement, ceux qui sont à son service ? On ne lui donne même pas les gousses que mangent les cochons ? Même les esclaves reçoivent le minimum pour survivre ! La situation est l’image du péché. Après avoir gaspillé son argent, donc profité sans peiner ; voici que le jeune fils se fait exploiter de la manière la plus inique qui soit : il peine sans profiter. Et c’est finalement un bon résumé de la logique du péché : séparer l’effort du plaisir, de sorte qu’après un plaisir sans effort, survient un effort sans plaisir. Il n’y a rien d’étonnant à ce que, du fond de son malheur, le fils se souvienne de son père qui, lui, est un maître juste, rétribuant abondamment ses ouvriers.
Ensuite il y a la réaction du père à l’arrivée de ce fils. Oh bien sûr vous allez me dire que c’est très beau, et très émouvant. Mais il y a une expression qu’on ne remarque pas et qui est pourtant essentielle. « Son père l’aperçut et fut saisi de compassion ». Le mot grec est fort, c’est aussi celui qui est utilisé pour décrire l’attitude de Jésus devant la foule comme des brebis sans berger. On peut le traduire par « remué aux entrailles ». On imagine bien que le fils ne devait pas être en grande tenue. Il n’avait même plus de chaussure, puisque son père demande qu’on lui en donne. S’il allait pieds nus, son vêtement étant sans doute peu reluisant, et il n’avait certainement plus aucun bijou. Alors on comprend que le cœur du père se brise en voyant son fils dans cet état. Il s’agit bien ici de la miséricorde au sens fort du terme, du cœur brisé qui prend pitié, comme nous-mêmes nous implorons « Seigneur, prends pitié ».
Enfin il y a un troisième détail sur lequel on passe généralement. C’est l’expression du père au fils aîné lorsqu’il sort pour le convaincre de rentrer. « Il fallait festoyer et se réjouir ». C’est rare que la fête soit un devoir ! Le premier à parler de festoyer, c’est le fils aîné, qui regrette de n’avoir pas festoyé avec ses amis. Sans doute y a-t-il de l’amertume dans sa remarque, mais rien d’essentiel ne lui manque ; tandis que le père considère comme une obligation de festoyer pour le retour de son fils. Pourquoi ? « Parce qu’il est revenu à la vie », « parce qu’il est retrouvé ». C’est en quelque sorte la réponse de Jésus aux récriminations des scribes et des pharisiens, comme s’il demandait : « que faut-il faire lorsqu’un pécheur revient ? ». Pour Dieu, c’est tellement important qu’il faut s’en réjouir, comme on se réjouit de la naissance d’un enfant, comme on se réjouit de retrouver ce qui était perdu. Que la compassion conduise à la joie en dit long sur le cœur de Dieu.
Ainsi, les trois détails forment comme une progression pour découvrir le visage de Dieu. C’est d’abord un père juste qui n’embauche pas des serviteurs sans rien leur donner pour survivre. C’est ensuite un père au cœur tendre qui se laisse émouvoir par la misère du pécheur. C’est enfin un père fidèle et aimant qui se réjouit du retour du fils perdu, de la renaissance du fils qui était mort. Ces trois détails balisent aussi l’itinéraire de conversion auquel nous sommes appelés. Il faut commencer par réaliser l’injustice du péché se présentant sous l’aspect séduisant de l’insouciance qui profite sans effort mais conduit à l’esclavage de l’effort sans profit. Il faut ensuite accepter de se présenter dans l’humilité de notre misère devant Dieu qui balaye les orgueilleux mais se laisse saisir de compassion. Alors nous pourrons nous laisser revêtir par le Christ, pour entrer dans la joie du Père au festin du Royaume.
Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse qu’elle nous apprenne à détester l’injustice et à déjouer les pièges de la tentation. Mère de Miséricorde, qu’elle nous montre le chemin de la conversion et de l’humilité. Porte du Ciel qu’elle nous accompagne jusqu’à la joie du salut pour que nous puissions entrer dans la demeure de Dieu et partager le Repas du Seigneur pour les siècles des siècles.
Les pièges de la culpabilité
4CAA
4° Dimanche de Carême - Année A
1 S 16, 1.6-7. 10-13a ; Ps 22 ; Ep 5,8-14 ; Jn 9,1-41
Dans la préparation au baptême, et donc dans notre marche vers Pâques, après la Samaritaine et le signe de l’eau, voici que l’évangile de l’aveugle-né évoque le signe de la lumière. « Je suis la lumière du monde » dit Jésus, et les textes parlent de voir, du regard qui va au-delà des apparences comme dans la mission de Samuel, mais aussi des ténèbres qui dissimulent le péché comme dans la deuxième lecture. Le terme de scrutin qui désigne la démarche que vivent les catéchumènes, signifie de se laisser scruter par la parole de Dieu. S’agit-il alors d’une étape où l’on doit reconnaître ses péchés ? Sans doute, mais pas seulement. On a beaucoup reproché au christianisme d’encourager la culpabilité. En vérité l’évangile que nous venons d’entendre nous aide au contraire à démasquer les pièges de la culpabilité.
Le premier piège, c’est la culpabilité fausse. Devant la misère de l’homme qui se tenait à la sortie du Temple, les disciples demandent : « qui a péché, lui ou ses parents ? » et les pharisiens l’accusent « tu es dans le péché depuis ta naissance ». Mais Jésus prend le contrepied de cette idée que la souffrance serait une punition. Bien sûr, il arrive que la faute entraine la souffrance, mais ce n’est pas toujours le cas ! On est responsable de ce que l’on a fait de mal, pas de ce que l’on subit. Et pourtant il y a, hélas, des situations où l’on peut se sentir coupable, alors qu’on ne l’est pas … et elles sont souvent dramatiquement douloureuses. Cela peut paraître rassurant d’expliquer une souffrance, mais le plus souvent c’est piège qui prétend justifier ce qui est injuste. Pour sortir de la culpabilité fausse, il ne faut pas laisser les seules émotions éclairer notre vie. La lumière, c’est le Christ et jamais il ne nous a demandé de nous charger des fautes que nous n’avons pas commises !
Mais pour éviter le premier piège, on peut tomber dans un deuxième piège : la culpabilité refusée. On passe de la remarque « nous ne sommes pas toujours coupables » à la prétention « nous ne sommes jamais coupables ». C’est d’ailleurs ce que reproche Jésus aux pharisiens : « parce que vous dites : Nous voyons, votre péché demeure ». On n’est pas dans un monde en noir et blanc : on n’est pas soit saint, soit pécheur. Un proverbe dit qu’un saint pèche sept fois par jour ! Il faut accepter que nous n’ayons pas toujours raison, il faut accepter que nous ne fassions pas toujours ce qu’il faudrait. La culpabilité refusée n’est pas une solution, parce qu’elle empêche de changer ce qui devrait l’être. Elle est d’ailleurs souvent illusoire parce qu’on ne résout pas un problème en l’ignorant. Celui qui n’a rien à se reprocher se trompe sur lui-même. Il faut accepter que la parole de Dieu nous montre nos insuffisances et nos erreurs.
C’est alors que peut survenir un troisième piège : la culpabilité envahissante, celle qui nous paralyse. L’œil dans la tombe qui regardait Caïn, comme disait Victor Hugo. C’est la culpabilité qui confond ce que nous avons fait et ce que nous sommes. Et c’est encore injuste. La lumière du Christ n’est pas un projecteur qui se focaliserait sur nos manquements, c’est un soleil qui éclaire tout, les bons comme les méchants, ce que nous avons fait de mal comme ce que nous avons fait de bien, et surtout ce qu’il nous propose. Le signe qu’il y a un piège à la culpabilité, c’est qu’il n’y a pas d’espérance. Quand Jésus s’adresse à l’aveugle-né, il lui ouvre toujours un avenir : « va te laver », « crois-tu ? ». Il n’est pas un juge, mais un passeur qui permet d’agir. Si la culpabilité envahissante enferme dans le passé, le Christ nous relève et sa miséricorde nous illumine. On se trompe quand on parle de péché sans pardon, comme on se trompe quand on parle de pardon sans péché.
Laissons la Parole de Dieu éclairer nos vies. Elle nous détourne de la culpabilité fausse, elle nous apprend à sortir de la culpabilité refusée, elle nous libère de la culpabilité envahissante. La lumière du Christ nous montre le chemin de la vérité, de la conversion et de la vie éternelle.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Consolatrice des Affligés, Refuge des pécheurs et Mère de miséricorde qu’elle fasse resplendir dans nos cœurs et dans vies la splendeur du Salut, pour que guidés par l’évangile nous puissions avancer dans l’espérance et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Ce que déplace la rencontre
3CAA
3* Dimanche de Carême - Année A
Ex 17,3-7 ; Ps 94 ; Rm 5,1-2.5-8 ; Jn 4,5-42
Depuis les temps les plus anciens, l’évangile de la Samaritaine accompagne ceux qui se préparent au baptême. Avec le récit de l’aveugle né et celui de la Résurrection de Lazare, il forme un itinéraire pour disposer nos cœurs à accueillir le mystère de Pâques. Puisque nous serons bientôt à la moitié du carême, il est temps de vérifier que nous sommes bien en marche. Tout commence donc par la rencontre avec le Seigneur. C’est une rencontre qui change la vie. Pour la femme de Samarie, on peut souligner trois choses qui se déplacent, trois conversions.
D’abord il y a une conversion du désir. Lorsque Jésus parle de l'eau vive, elle en voit tout de suite l'intérêt : ne plus avoir soif ce qui lui permettra de ne plus devoir venir au puits. Peut-être imagine-t-elle une source magique comme à Rephidim. Son premier désir est un désir de confort matériel. Mais c’est un désir égoïste. Ça n'est possible que si elle vit toute seule ! Ceux qui vivent avec elle, ceux qui viennent la visiter, comment boiront-ils si elle ne va plus puiser de l'eau ? Aussi Jésus l’interpelle alors sur sa situation affective : « Appelle ton mari ». Elle comprend alors qu’il peut répondre à un autre désir, plus profond et plus important : le désir spirituel : où faut-il adorer ? C’est une belle demande que de chercher à savoir comment rencontrer Dieu de manière authentique ! Le premier déplacement c’est de passer d’un désir matériel à un désir spirituel.
Ensuite il y a une deuxième conversion : celle de la prière. Elle pense que la prière est une question de lieu : faut-il prier ici ou bien là ? Mais Jésus lui répond que ce qui est important ce n’est pas le lieu mais la manière : adorer en esprit et en vérité, parce que Dieu est esprit. On ne fait assez attention à ce déplacement. On pense que la prière est une démarche que nous faisons vis-à-vis de Dieu. C’est vrai, c’est bien. Mais Jésus dévoile une autre manière de prier : la prière qui vient de Dieu. Saint Paul expliquait : c’est Jésus qui nous donne la grâce, c’est l’Esprit Saint qui nous donne l’amour. Nous sommes invités à passer d’une prière qui donne à une prière qui reçoit, d’une prière qui dépend de nous à une prière qui dépend de Dieu.
Alors il y a une troisième conversion : celle des relations. La femme était sans doute assez isolée. Les pères disent que si elle vient à midi au puits, à l’heure la plus chaude, c’est pour éviter de rencontrer les autres femmes du village. Mais elle laisse sa cruche pour aller trouver les gens et pour témoigner : « venez voir ». Elle ne garde pas ce qu’elle a découvert pour elle, elle le partage. Une eau ne reste vive que si elle jaillit, si elle se répand. Si elle reste enfermée, elle croupit et meurt. Le troisième déplacement que provoque la rencontre avec Jésus c’est de nous tourner vers les autres : le Seigneur ne nous isole pas, il nous envoie et nous invite au partage.
Ainsi le chemin vers Pâques implique trois déplacements : passer du désir matériel au désir spirituel. C’est pourquoi le carême nous invite au jeûne et à la sobriété, pour sortir du confort et s’attacher au Seigneur. Passer aussi d’une prière qui dépend de nous à une prière qui dépend de Dieu. C’est pourquoi le carême nous invite à prendre plus de temps pour être présent à la présence. Enfin passer d’un cœur tourné vers nous à un cœur tourné vers les autres. C’est pourquoi le carême nous invite à être plus attentifs à ceux qui ont besoin de nous par le partage. Comme la samaritaine au puit de Jacob, laissons la rencontre avec le Christ, déplacer notre désir, transformer notre prière et changer nos cœurs.
Que Notre Dame de la Mer, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse qu’elle nous montre le don de Dieu pour que l’espérance convertisse nos désirs. Etoile du matin qu’elle nous rende attentifs à l’Amour de Dieu répandu dans nos cœurs pour que la foi convertisse notre prière. Temple de l’Esprit Saint qu’elle nous apprenne à laisser l’eau vive jaillir en nous pour que la charité convertisse notre cœur, et qu’ainsi nous puissions resplendir de la gloire du Christ dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Les déplacements de la Transfiguration
2CAC
2° Dimanche de Carême - Année C
Gn 15,5-12.17-18 ; Ps 26 ; Ph 3,17-4,1 ; Lc 9,28b-36
Comme chaque année, le deuxième dimanche du carême nous invite à partager l’expérience de Pierre, Jacques et Jean lors de la Transfiguration. De même qu’il leur a été donné d’entrevoir déjà ce qui se révèlera après la montée vers Jérusalem ; il nous est proposé de tourner déjà nos cœurs vers ce qui se manifeste à Pâques. C’est toujours plus facile d’avancer quand on sait où l’on va ; c’est toujours plus facile de subir les épreuves quand on sait ce qu’elles promettent … Ainsi, il est bon de se rappeler le mystère pascal pour s’engager dans le carême. Cette année nous avons entendu le récit de l’évangile de Luc qui est le seul à rapporter le sujet de la conversation entre Jésus, Moïse et Elie. « Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem ». Il est donc question de mouvement, ce qui rejoint le thème du pèlerinage que nous rappelle l’année jubilaire sur l’espérance.
Le premier déplacement pourrait paraître inaperçu, tant il est naturel. « Il gravit la montagne pour prier ». Tout commence par un effort. Ceux qui connaissent la Terre Sainte savent que le Thabor, la montagne de la Transfiguration, n’est pas une petite colline discrète. L’ascension de la montagne n’a rien d’une balade de santé. Dans l’histoire d’Abraham, il y a aussi ce premier moment de préparation du sacrifice qui suppose un effort. Partager en deux une génisse, une chèvre et un bélier n'est pas de tout repos ! Le premier mouvement c’est donc l’effort que nous faisons. Le temps de carême suppose un effort pour sortir de notre confort et de nos habitudes. Le jeûne ou les privations sont de cet ordre. « Leur dieu, c’est leur ventre » disait saint Paul à propos des ennemis de la croix du Christ. Pour contempler la Gloire de Dieu, il faut accepter d’être dérangé, de se déplacer. On ne vit pas le carême en attendant que ça passe : il faut se mettre en route, il faut décider de changer quelque chose et ce n’est pas toujours facile.
Le deuxième mouvement dont parle l’évangile, c’est le départ que Jésus allait vivre à Jérusalem. On se doute bien qu’il s’agit de sa Pâques, son passage à travers la mort jusqu’à la résurrection. C’est un déplacement d’un autre ordre : une élévation, un mouvement surnaturel. On sait que l’espérance c’est de se préparer à la gloire du ciel, de se disposer à ce mouvement que Dieu nous fera faire. « Nous avons notre citoyenneté dans les cieux » disait saint Paul. « Jésus transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ». La deuxième dimension du carême c’est de se disposer à cette transformation en prenant un temps de prière plus conséquent. Une prière qui creuse en nous le désir de Dieu, une prière qui nous apprend à être ce que nous serons. Ce deuxième mouvement qui nous conduit à la vie éternelle, nous le recevons et nous nous y disposons. C’est Dieu qui nous le fera faire, mais nous devons y consentir.
Le troisième déplacement est inscrit en filigrane dans le récit. Alors que Pierre propose de dresser des tentes pour rester sur place et profiter du moment, l’évangéliste commente : « il ne savait pas ce qu’il disait », et la nuée qui couvre les apôtres, comme la voix qui se fait entendre nous font comprendre que ce n’est pas la bonne solution. Puisqu’il ne faut pas dresser la tente, puisqu’on ne reste pas sur place, c’est qu’il y a un troisième mouvement : la mission. Vous allez me dire que les disciples ce jour-là ont gardé le silence et que le silence est une drôle d’image de la mission ! Cela dit puisque nous lisons cette histoire, c’est bien qu’ils l’ont raconté plus tard : la mission des apôtres ne se limite pas à la descente du mont Thabor ! Ce troisième déplacement est suggéré. Il s’agit de partager ce qui a été reçu, de déployer ce qui a été vécu. C’est ce à quoi nous invite le partage du carême. On ne peut pas rencontrer le Seigneur et rester sur place. De même qu’il n’y a pas d’espérance si nous ne voulons pas ouvrir des portes vers le salut à ceux qui sont accablés par les difficultés.
La Transfiguration n’est pas la bande annonce de la gloire qui nous attend, elle est d’abord une invitation aux déplacements. Déplacement de l’effort par les privations, déplacement de la vie éternelle par la prière ; déplacement de la mission par le partage.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du ciel qu’elle nous encourage à sortir de nos habitudes pour aller vers le Seigneur. Miroir de la Sainteté de Dieu qu’elle creuse en nous le désir de la vie éternelle. Mère du Bel Amour qu’elle nous entraine dans le déploiement de ce que nous avons reçu, pour que nous puissions avancer en pèlerins de l’Espérance, et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
toutes les formes de tentations
1CAC
1° Dimanche de Carême - Année C
Dt 26,4-10 ; Ps 90 (91) ; Rm 10,8-13 ; Lc 4,1-13
« Ayant épuisé toutes les formes de tentation, le diable s’éloigna de Jésus ». Voilà une conclusion à la fois surprenante et rassurante. Surprenante parce qu’il y a tellement de tentations dans l’histoire, qu’on est étonné qu’il n’y ait que trois formes de tentations. Rassurante parce Jésus nous montre la manière de les dépasser ; et aussi que, quand le diable a épuisé ses différentes techniques, il s’éloigne – au moins pour un moment. Évidemment nous ne sommes pas le Seigneur, mais nous pouvons quand même apprendre de la parole comment faire pour résister à la tentation … Il restera ensuite à le mettre en pratique, ce qui n’est pas le plus facile, mais ça aide de savoir comment faire !
Tout d’abord il y a la tentation des pierres. Elle est le modèle de toutes les tentations liées à notre vie matérielle. Ce sont les tentations qui utilisent le désir et l’envie. On peut dire que ce sont les tentations les plus courantes. Elles procèdent de la logique « je veux, donc je peux ». Comme si nous étions tout puissants ! Comme si la vie devait nous obéir. On aura remarqué le terme utilisé par le diable : « ordonne à ces pierres ». C’est bien un verbe de pouvoir. Le mécanisme de la tentation, c’est de nous focaliser sur ce qui nous manque : on ne voit plus que ça, il n’y a plus que ça qui compte. Il s’agit de nous faire croire que nous avons besoin de ce qui nous manque. Comment Jésus y résiste-t-il ? En rappelant que « l’homme ne vit pas seulement de pain », il se recentre sur ce dont il a vraiment besoin. Pour résister à ces tentations, il faut prêter plus attention à ce qu’on a qu’à ce qui nous manque. C’est pourquoi la prière de Moïse, comme beaucoup de prières, commence par le souvenir de ce que Dieu a fait.
Ensuite il y a la tentation des royaumes. Elle est le modèle des tentations liées aux valeurs et qui surviennent au moment de nos choix : sous prétexte de poursuivre un but qui est bon, on utilise des moyens qui sont mauvais. Ce sont des tentations plus subtiles, parce qu’elles s’appuient sur la confusion et le mensonge. Qui a dit que les royaumes de la terre appartenaient au diable ? C’est lui, le prince du mensonge ! Alors que toute la Parole de Dieu dit le contraire ! Comment Jésus y résiste-t-il ? En rappelant qu’on ne se prosterne que devant Dieu, il redit le sens des choses, il redit les priorités : il n’y a rien au-dessus de Dieu. On n’arrive pas au bien en passant par le mal. Pour résister à ces tentations, il faut garder les yeux fixés sur le Seigneur, le garder à la première place de nos vies.
Enfin, il y a la tentation du Temple. C’est le modèle des tentations liées à l’esprit et à la vie spirituelle. Elles s’appuient sur des raisonnements et des arguments. Ce n’est pas pour rien que le diable cite la parole de Dieu en la déformant : il fait croire que les promesses du Seigneur nous créent des droits devant lui. Ce sont les tentations les plus dangereuses car elles sont sournoises. Pour y résister Jésus rappelle : « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». C’est une invitation à la foi, à la confiance inconditionnelle dans le Seigneur. On ne demande pas de preuves pour faire confiance à Dieu. Dieu n’a pas à nous obéir, c’est nous qui devons chercher à lui obéir. Saint Paul rappelait ce qu’est la foi : croire à la résurrection. Inscrire la confiance au plus profond de notre cœur. Pour résister à ces tentations, il faut accepter de faire confiance à l’évangile, sans pinailler, sans argumenter.
Les pratiques du carême sont là pour nous apprendre à résister aux tentations. Le jeûne nous invite à accepter les manques pour reconnaître ce que le Seigneur nous a donné et résister aux tentations matérielles. La prière replace la présence de Dieu au centre de notre vie pour résister aux tentations du choix. Le partage nous entraîne dans la logique et la dynamique de Dieu pour que notre cœur soit formé à donner plutôt qu’à prendre et résister aux tentations spirituelles.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Rose mystique qu’elle nous montre comment reconnaître les merveilles que le Seigneur a fait pour nous pour que le jeûne nous fortifie dans la résistance aux tentations du désir et de l’envie. Temple de l’Esprit qu’elle nous accompagne dans l’attention à la présence et à la grandeur de Dieu pour que la prière nous guide contre les tentations de la confusion et du mensonge. Humble servante du Seigneur qu’elle nous soutienne dans la foi et l’obéissance à la volonté de Dieu pour que nous évitions les tentations de l’esprit et que nous puissions célébrer d’un cœur pur le mystère pascal pour parvenir à la Pâque éternelle dans les siècles des siècles.
Un carême d'espérance
CA-MEC
Mercredi des cendres
Jl 2,12-18 ; Ps 50 ; 2 Co 5,20-6,2 ; Mt 6,1-6.16-18
Aujourd’hui retentit l’appel de l’apôtre : « au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Un appel qui fait écho de la parole confiée au prophète Joël : « revenez à moi de tout votre cœur ». Une parole qui va résonner pendant quarante jours pour faire de ce temps de carême un chemin de conversion, un temps favorable pour se rapprocher du Seigneur. En cette année jubilaire, c’est une occasion privilégiée pour avancer dans l’espérance.
Le carême en effet n’est pas d’abord un exercice religieux, une case à cocher pour être un bon chrétien. C’est d’abord un temps favorable, un moment de grâce pour progresser dans notre relation à Dieu. Cette année il nous est proposé d’approfondir l’espérance. L’espérance, c’est un peu le moment où l’on regarde la carte pour se dire : « c’est là que je veux aller ». Le carême n’est-il pas le moment privilégié pour s’arrêter, pour faire le point, pour regarder non seulement le chemin parcouru mais surtout le chemin à parcourir. Les moyens habituels du carême sont ceux dont parle Jésus dans l’évangile : l’aumône, la prière et le jeûne.
La prière c’est être attentif au Père qui est présent dans le secret. C’est prendre le temps de le rejoindre, de le contempler, de l’écouter, de se laisser attirer par lui. La prière est la porte de l’espérance : elle nous montre le but de notre vie, elle nous apprend à être avec celui qui nous attend pour l’éternité. Sans la prière, l’espérance est un projet plus ou moins solide, plus ou moins précis. Prier, c’est lever les yeux vers le ciel pour que l’horizon de notre vie ne soit pas seulement la terre, les échéances prévisibles ou l’inexorable cruauté du temps. Sans la prière, nous prenons le risque d’avancer sans savoir où l’on va. Ça peut être distrayant dans une promenade, mais c’est le meilleur moyen de se perdre.
Le jeûne c’est un effort de purification. Cela peut-être de supprimer un repas, mais cela peut-être aussi de se priver de quelque chose qui nous semble essentiel et qui ne l’est pas. L’important n’est pas de se mettre en danger ou d’être abattu, mais de vérifier que nous avons vraiment besoin de ce que nous avons. Faire un effort de privation, c’est faire l’expérience que le manque nous stimule et que le désir conduit plus loin que le plaisir. Renoncer aux satisfactions immédiates, c’est apprendre la dynamique de l’espérance. Si nous avons tout, que pouvons-nous espérer ? Si nous n’avons besoin de rien, qu’est-ce que nous pouvons attendre du Seigneur ? Le jeûne éduque notre volonté pour rechercher ce qu’il nous faut plutôt que ce que nous avons.
L’aumône ou le partage c’est la trace de l’amour dans notre vie. Non pas l’amour qui prend, mais l’amour qui donne, celui qui est de Dieu et qui est Dieu. La générosité est le signe de l’espérance. D’abord parce qu’elle permet d’ouvrir à d’autres l’espoir d’un monde meilleur. Mais aussi parce qu’elle réalise ce que nous attendons. L’espérance pourrait n’être qu’une idée, on lui a même reproché parfois d’être une illusion. Mais le partage nous fait participer dès maintenant à la vie divine quand la main gauche ignore ce que fait la main droite, quand ce qui est donné, est donné pour servir à l’autre et non pas pour nous faire valoir, quand l’autre nous devient ainsi plus important que nous-mêmes.
« Voici maintenant le moment favorable, voici maintenant le jour du salut ». Convertissons-nous et faisons confiance à l’évangile : le Seigneur attend que nous le rejoignions dans la prière ; lâchons ce à quoi nous nous agrippons pour accueillir le don de Dieu ; ouvrons nos cœurs aux dimensions du cœur de Dieu. Mettons-nous en marche pour être pèlerins d’espérance
L'eucharistie, école de liberté et d'amour
JEST
Jeudi Saint - Messe de la Cène du Seigneur
Ex 12, 1-8.11-14 ; Ps 115 ; 1 Co 11, 23-26 ; Jn 13,1-15
Avec la messe en mémoire de la Cène du Seigneur, nous entrons, ce soir dans le mystère de Pâques, et donc au cœur de notre foi. Chaque année nous sommes invités à ralentir un peu notre rythme quotidien, faire comme une retraite au cœur de l’ordinaire et prendre le temps d’entendre ou de réentendre ce qui nous fait vivre. Un peu comme on feuillette un album de famille pour nous souvenir des moments forts, pour revivre des événements intenses qui nous ont marqués.
Ce soir, donc nous revivons le dernier repas du Seigneur … nous voilà devant le mystère de l’eucharistie. J’aime bien me rappeler ce que disait Saint Jean Paul II aux jeunes lors d’une Journée Mondiale de la Jeunesse : « L’eucharistie, reçue avec amour et adorée avec ferveur, devient une école de liberté et de charité pour réaliser le commandement de l’amour ». Prenons donc le temps de comprendre comment l’eucharistie nous apprend à aimer à la manière de Dieu.
Dans l’eucharistie, Dieu se donne à nous, pleinement, corps et âme. Dans la Bible, en effet, le sang est le lieu de l’âme : lorsque le sang ne circule plus, le corps cesse de vivre. Recevoir le corps et le sang du Christ, c’est donc recevoir le Christ, non pas une partie du Christ, mais le Christ tout entier qui se donne à nous. L’eucharistie est le signe et la preuve que Dieu nous aime, et elle nous rappelle qu’aimer c’est donner, tout donner et se donner soi-même.
Mais il y a autre chose. Aujourd’hui, dans la fête de l’Eucharistie, on lit l’évangile du lavement des pieds. C’est dans le même repas que Jésus a consacré le pain et le vin comme son corps et son sang, et qu’il s’est mis à genoux pour laver les pieds de ses apôtres. Les prêtres savent bien qu’avant d’être prêtres, ils sont diacres, c’est-à-dire serviteurs. L’eucharistie nous renvoie donc non seulement au mystère de la présence de Dieu dans le pain et le vin, mais aussi au mystère de la présence de Dieu dans l’autre, dans celui qui a besoin de nous. « Ce que j’ai fait pour vous, faites-le les uns pour les autres ». Aimer, ce n’est pas entretenir de grandes idées, ou se complaire dans de bons sentiments, c’est concrètement se mettre au service de l’autre. Dans le langage courant le mot « charité » signifie plus ou moins l’aumône. Pourtant, c’est d’abord le mot qui désigne l’amour de Dieu, l’amour à la manière de Dieu. Et cet amour n’est pas platonique, c’est un amour qui s’engage, un amour qui agit. Voilà une autre chose que nous apprend l’eucharistie : Aimer, c’est s’engager et servir.
Cela dit, pour être honnête, le mystère de l’eucharistie n’est pas toujours évident à vivre et encore moins à comprendre. Reconnaître la présence du Christ à travers l’apparence du pain et du vin, cela suppose de notre part un acte de foi. C’est même la raison pour laquelle on répond « amen » au prêtre qui nous présente l’Eucharistie. On ne répond pas « merci » mais « amen », c’est-à-dire « Je crois ». Amen c’est le mot de la foi. Parce que l’amour ne se reçoit pas sans confiance. Les époux le savent bien, eux qui passent leur vie à se donner des preuves d’amour. Mais toute une vie ne suffit pas à prouver l’amour, parce que l’amour ne se prouve pas comme une vérité scientifique, il se reçoit dans la confiance. Il y a même comme un cercle entre l’amour et la foi : plus on aime et plus fait confiance, plus on fait confiance et plus on aime. D’une certaine manière l’eucharistie nous provoque et nous interroge, elle nous demande : crois-tu ? Et, par cette question, elle nous enseigne qu’aimer c’est croire et faire confiance.
Mais qui peut nous obliger à croire ? Personne ! La foi est un acte libre, ce n’est pas quelque chose qu’on subit, c’est quelque chose qu’on décide. « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne » dit Jésus. À cette liberté de Jésus qui se donne répond notre liberté de croyant. Ça ne veut pas dire que nous maîtrisons tout, mais nous entrons librement dans un mystère qui nous dépasse. Choisir librement quelque chose de plus grand que nous, c’est une manière de progresser, d’aller au-delà de ce que nous connaissons. Ainsi l’eucharistie vient nous révéler que l’amour est un choix, qu’il ne peut exister que si nous sommes libres, et que ce choix nous fait avancer, nous permet de grandir et de nous dépasser sans nous anéantir.
Aimer c’est tout donner et se donner ; c’est s’engager et se mettre au service des autres ; c’est croire et faire confiance ; c’est choisir librement et se dépasser. Voilà, rapidement, quelques repères que nous donne l’eucharistie pour nous apprendre à aimer
Ce soir, nous sommes invités à accompagner Jésus au jardin des Oliviers à travers un moment d’adoration au reposoir. Dans ce temps qui nous est proposé, nous pourrons, continuer à méditer et à approfondir ce grand mystère qui nourrit notre vie spirituelle. Nous pourrons prendre le temps d’apprendre de l’Eucharistie ce qu’est l’amour. L’amour de Dieu pour nous et l’amour de nous pour Dieu, l’amour que nous pouvons avoir les uns pour les autres, l’amour qui dépasse les frontières, l’amour qui s’étend à tous les hommes et qui transforme le monde. Comme le disait sainte Térésa de Calcutta – « le fruit du silence, c’est la prière ; le fruit de la prière, c’est la foi ; le fruit de la foi, c’est l’amour ; le fruit de l’amour, c’est le service ; le fruit du service c’est la paix »
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Refuge des Chrétiens, qu’elle ouvre nos cœurs à ce que l’Eucharistie nous apprend. Reine de la Paix, qu’elle nous rende disponibles à vivre ce que nous contemplons. Mère du Bel Amour, qu’elle nous entraine à la suite du Christ, pour que nous laissions nos cœurs battre au rythme du Cœur de Dieu et demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Suivre le Christ jusqu'au bout
RA-B
Dimanche des Rameaux et de la Passion - année B
Is 50, 4-7 ; Ps 21 (22) ; Ph 2, 6-11 ; Mc 14, 1-15, 47
L’évangile que nous venons d’entendre nous plonge au cœur de la semaine qui commence aujourd’hui. Voilà que nous est rappelée la Passion du Seigneur, le chemin tragique qui va le mener jusqu’à la Croix.
Au long de ce récit, se déchainent contre le Christ, de nombreuses incompréhensions, des moqueries, des accusations. Il y a aussi des lâchetés et des trahisons, mais aussi quelques lueurs de compassion, de fidélité et de courage.
Aussi nous voilà interrogés sur notre relation au Christ. Si nous comptons sur la foule pour nous entrainer, si nous voulons faire comme tout le monde, et suivre la voix du plus fort, alors nous agiterons nos rameaux un jour, pour le lendemain condamner et se moquer de celui qui souffre. Celui qui suit le mouvement de la foule, se rassure à bon compte, et fini par préférer un agitateur politique à celui qui vient au nom du Seigneur. Dans le mystère de Pâques, nous ne pourrons pas suivre le Christ en nous modelant sur l’opinion publique, en imitant les plus nombreux
Nous ne pourrons pas non plus aller jusqu’au bout du chemin, si notre relation à Dieu se limite à de grandes déclarations, si nous présumons de nos forces : viendra le moment où nous n’aurons pas le courage de veiller, où, dans les difficultés, nous finirons par nous cacher, et par renier celui qui nous a tout donné … nous nous retrouverons comme ce jeune homme qui s’enfuit dans la nuit, dépouillé de son vêtement !
Si nous voulons suivre le Christ, si nous voulons aller jusqu’au bout du mystère de Pâques, il nous faudra accepter l’humilité de cette femme à Béthanie, qui n’hésite pas à briser son flacon d’albâtre pour honorer le Seigneur. Il nous faudra accepter l’humilité de Simon de Cyrène, chargé de la croix du Christ à son retour des champs pour soulager celui qui souffre au hasard de nos vies. Il nous faudra accepter l’humilité du centurion, au cœur déchiré devant le crucifié qui reconnaît la dignité divine de celui qui meurt humilié. Il nous faudra accepter l’humilité de ces femmes qui ont suivi Jésus jusqu’au pied de la croix et qui restent là silencieuses.
Alors, comme Joseph d’Arimathie, au soir ce jour, nous aurons le courage de recevoir le corps du Christ et de veiller à ce que lui soit rendu l’hommage qui lui revient lorsqu’il n’y a plus rien d’autre à faire !
Que le Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous accompagne au long de cette semaine. Elle qui est la Vierge fidèle, le Refuge des pécheurs, le Secours des Chrétiens qu’elle nous aide à vivre pleinement ce temps de grâce, pour que nous puissions, au matin de Pâques fêter l’anniversaire de notre baptême et accueillir dans notre vie le Christ ressuscité qui de toute éternité nous a préparé une place à sa table pour les siècles des siècles !