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2 août 2020 7 02 /08 /août /2020 10:27

18T0A

18° dimanche du Temps Ordinaire - Année A

 

En entendant le récit de la multiplication des pains, on s’émerveille généralement de cette prouesse qui consiste à rassasier cinq mille hommes (sans compter les femmes et les enfants), grâce à cinq pains et deux poissons, tout en ayant encore une marge de douze paniers. Il est vrai que l’événement est peu banal, et qu’on pourrait rêver de le reproduire pour résoudre un certain nombre de problèmes dans le monde. Mais l’on pourrait tout autant s’émerveiller d’autres aspects de cette histoire. 

D’abord, il y a l’attitude de Jésus lorsqu’il débarque. Il s’était retiré après avoir appris la mort de Jean-Baptiste. Sans doute cherchait-il un peu de calme, peut-être était-il plus prudent de se faire discret compte tenu de l’agitation du moment … et le voilà « saisi de compassion » pour la foule qui le cherche et le précède. Il était plus facile pour lui que pour nous de percevoir l’attente de cette foule qui n’est là ni par curiosité, ni par hasard ; d’autant qu’on peut penser que le trajet était plus court en barque qu’en suivant le rivage. Mais ne nous habituons pas trop vite à l’idée que Dieu se laisse toucher par la misère des hommes. Il serait bien plus logique qu’il s’en préserve, ou au moins qu’il ne consente qu’à ce qu’il a décidé. Mais voilà, Jésus se laisse désarmer par l’espoir de ceux qui sont là, et renonçant au repos ou à la prudence, il va s’occuper longuement de cette foule. Admirable sollicitude divine, remarquable tendresse de la miséricorde qui rejoint la simplicité de l’invitation transmise par le prophète Isaïe : « vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ». 

Ensuite, il y a la réponse que Jésus fait à la remarque des disciples : « donnez-leur vous-même à manger ». Leur observation était pleine de bon sens : les gens sont très nombreux, et l’endroit est désert, la situation peut rapidement devenir critique. Eux-mêmes n’ont pas grand-chose : cinq pains et deux poissons, ça ne fait pas beaucoup pour douze personnes ! Mais la phrase du Seigneur est un appel à ne pas se réfugier derrière notre pauvreté pour s’exempter du partage et de la solidarité. Si nous étions tentés de nous appuyer sur la providence divine pour nous dispenser de faire attention aux autres, la réponse de Jésus nous prend à contre-pied. Avec lui, ce n’est pas « chacun pour soi et Dieu pour tous ». La parole du Seigneur est aussi dérangeante pour les réflexes égoïstes que l’oracle d’Isaïe : « venez achetez et consommer sans rien payer ». Si la générosité de la miséricorde divine est admirable, il est tout autant admirable que Dieu compte sur nous, malgré nos limites. Même s’il ne nous laisse pas seuls, même s’il transfigure notre disponibilité, combien est remarquable cette confiance qui ne veut pas agir sans nous. 

Enfin on peut encore s’étonner de la dernière action évoquée par l’évangéliste : « On ramassa les morceaux qui restaient ». Bien sûr il faut laisser propre l’aire de pique-nique ; bien sûr cela permet de mesurer la générosité du miracle qui donne largement plus que le nécessaire … mais il y a plus à admirer que la politesse écologique ou le bilan miraculeux ! A travers ce geste de respect pour le don de Dieu, transparaît la notion de permanence et de durée … en termes spirituels et bibliques on pourrait parler d’alliance. L’action de Dieu n’est pas ponctuelle et ne se limite pas à l’instant. Le Seigneur n’est pas un distributeur pratique vers qui on se tourne en cas de problème et que l’on oublie quand tout va bien. Il est une source et un chemin, une constance qui invite à la fidélité. C’est bien ce que rappelait Isaïe, c’est aussi ce qu’exprimait saint Paul dans le beau texte de la deuxième lecture. 

Sans doute la multiplication des pains est-elle un épisode marquant de l’histoire de Jésus (peut-être plus pour les disciples que pour la foule qui en a bénéficié),  mais il y a beaucoup plus à admirer que le miracle : il y a la miséricorde d’un Dieu qui se laisse toucher par l’espoir des hommes, il y a la confiance de celui qui n’agit pas sans nous, il y a la fidélité du Seigneur qui nous entraîne dans son alliance. Depuis bien longtemps, on a remarqué que les mots employés par saint Matthieu rappelaient ou plutôt annonçaient l’eucharistie : « il prit les pains, dit la bénédiction, les rompit et les donna à ses disciples ». Que ce soit l’occasion pour nous d’y découvrir non seulement le grand miracle, mais surtout le signe de l’amour de Dieu, son appel à nous investir, et son invitation à vivre l’alliance. 

Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Mère de Miséricorde qu’elle nous apprenne à creuser en nous le désir de Dieu pour que notre prière puisse toucher son cœur. Servante du Seigneur qu’elle nous rende disponibles à l’engagement pour que la grâce puisse transfigurer nos limites. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle nous accompagne dans la fidélité pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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