La joie de l'Ascension
PA-ASC
Ascension du Seigneur - année C
Ac 1,1-11 ; Ps 46 ; He 9,24-28 ; 10,19-23 ; Lc 24,46-53
A bien y réfléchir, il y a un détail surprenant dans l’évangile. Pourquoi donc les disciples retournent à Jérusalem, remplis de joie ? Jésus vient de disparaître sous leurs yeux et ils savent que c’est désormais la fin d’un temps : ils ne le verront plus jusqu’à son retour glorieux ou à leur mort. En général, quand on quitte quelqu’un qu’on aime bien et qu’on sait qu’on ne le verra plus, on est plutôt triste ou tout au moins nostalgique. Mais eux sont remplis de joie ! Essayons de comprendre pourquoi.
Une première raison c’est qu’ils viennent d’assister à l’élévation de leur Seigneur et maître. C’est la plénitude du mystère de Pâques. Au petit matin, la résurrection les a consolés de leur peine : celui qui était mort est vivant. C’est très bien, et cela fait quarante jours qu’on le médite, mais Jésus n’est pas venu seulement vaincre la mort, Il est venu aussi nous ouvrir le ciel. La lumière de Pâques ne brille plus sous le boisseau, dans le cercle fermé des disciples, elle resplendit désormais au plus haut du firmament. Oui, l’Ascension est l’achèvement du mystère de Pâques, Jésus est désormais assis à la droite du Père. Et naturellement, contempler la gloire du Fils ne peut que remplir les disciples de joie !
Mais il y a aussi une deuxième raison, un peu paradoxale. L’Ascension inaugure une nouvelle forme de présence du Seigneur. Jésus n’est plus présent au milieu d’eux à la manière des hommes comme au temps de sa prédication, il n’est plus présent par intermittence comme depuis le petit matin de Pâques, il est désormais présent à la manière de Dieu. Ce qui signifie une présence moins visible mais plus forte, une présence continuelle, sans limite. Ainsi, voilà le paradoxe de l’Ascension : Jésus est toujours avec les disciples à partir du moment où il les quitte. Et l’évangéliste souligne que les apôtres ont bien compris cette nouvelle forme de présence puisqu’il précise qu’ils restent dans le Temple où ils ne cessent de bénir Dieu. Ils se tiennent jour et nuit devant Dieu pour demeurer avec celui qu’ils ont suivi et qui est désormais auprès du Seigneur. Rien ni personne ne peut les séparer du Christ ! C’est un motif valable de se réjouir !
Et puis la joie est le signe avant-coureur de l’Esprit Saint. Elle est la risée qui annonce le souffle divin. Et cette joie des disciples qui retournent à Jérusalem n’est pas un simple émotion toute humaine, c’est un don de Dieu, prémices de la Pentecôte, c’est elle qui précède la force qu’ils vont recevoir pour être témoins jusqu’aux extrémités de la terre. A l’Ascension commence le passage de relais : le lieu de Dieu sur terre ce ne sera plus le Temple, comme dans l’ancienne alliance, ce n’est plus Jésus comme pendant sa vie terrestre, ce sera désormais l’Église, l’ensemble de ceux qui reçoivent l’Esprit Saint.
Alors oui, l’Ascension est bien un moment de joie, parce qu’elle manifeste le resplendissement de la gloire de Dieu, parce qu’elle inaugure sa présence continuelle, parce qu’elle est l’annonce de la grande confiance divine. Approchons-nous de la source de cette joie, en contemplant le mystère, en tressaillant de la présence fidèle, en accueillant les frémissements de l’Esprit Saint.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à vivre pleinement cette fête. Reine du Ciel qu’elle ouvre nos cœurs à la plénitude de la gloire du Christ. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle tourne nos vies vers la présence toujours offerte que nous goûtons dans la prière. Temple de l’Esprit Saint, qu’elle nous rende disponibles à accueillir le don de Dieu pour témoigner de notre espérance et avancer vers Dieu d’un cœur sincère, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Garder la parole du Seigneur
6PAC
6° Dimanche de Pâques - Année C
Ac 15,1-2. 22-29 ; Ps 66 (67) ; Ap 21,10-14.22-23 ; Jn 14,23-29
Pour bien accueillir l’évangile que nous venons d’entendre, il faut se rappeler qu’il appartient aux dernières paroles de Jésus à ses disciples, avant la Passion. Même si nous savons que ce n’est pas la fin de l’histoire, ce sont donc les paroles du Seigneur au moment où il va mourir. Et que dit-il ? quelle est la chose qui lui paraît la plus importante, celle qu’on dit en premier ? « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». Faisons donc résonner cette phrase dans nos cœurs.
Quand on est séparé de quelqu’un à qui l’on est attaché, on s’appuie sur le souvenir pour prolonger le lien. Par des photos, par des objets, par ce qui nous rappelle tel ou tel événement, tel ou tel geste, on manifeste ce qui nous marque, ce que l’on veut retenir. Or qu’est-ce que Jésus veut qu’on retienne de lui ? Qu’est-ce qu’il nous laisse pour garder le lien ? Sa parole, ce qu’il a enseigné. Et il explique pourquoi cette parole est importante : elle ne vient pas de lui, elle vient du Père. Ce qui est le plus important pour Jésus, ce n’est pas son image (et ça tombe bien, parce qu’il n’y avait pas de photos à l’époque), ce n’est pas telle ou telle habitude, ce n’est pas ce qui vient de lui, mais ce qu’il a reçu, ce qui vient du Père et qu’il nous a transmis : sa mission.
Certains peut-être vont objecter que la messe vient refaire les gestes de Jésus lors du dernier repas Et c’est vrai que dans l’Eucharistie nous gardons précieusement un geste de Jésus, mais nous le faisons à cause de sa parole. Parce que Jésus a demandé « faites ceci en mémoire de moi ». Si nous sommes fidèles à l’eucharistie, c’est parce que nous voulons être fidèles à sa parole. C’est dans le souvenir de la Parole du Seigneur, dans la fidélité à son enseignement, dans l’obéissance à ce qu’il nous a demandé que nous manifestons notre amour pour lui, et que nous grandissons dans cet amour.
Mais nous savons aussi que le souvenir s’émousse, et qu’au long des jours et des années, il arrive qu’on ne se souvienne plus de tout. Il arrive même qu’on ne reconnaisse pas celui ou celle qui est sur la photo retrouvée au fond d’un vieux carton ! Pour éviter d’oublier la parole du Seigneur, elle a été écrite. Pourtant des livres – même importants – disparaissent, soit qu’on ne sache plus où ils sont, soit que les péripéties de la guerre ou les aléas de l’histoire les détruisent en partie ou totalement. Dans l’histoire de la littérature, il y a peu de livres qui aient été conservés aussi fidèlement, aussi longtemps que la Bible. C’est que pour les paroles de Jésus, il y a autre chose : il y a l’Esprit Saint, le Défenseur, envoyé par le Père pour nous faire comprendre et nous faire souvenir tout ce que Jésus a dit. C’est lui qui nous aide à garder sa parole.
Car il ne s’agit pas simplement de répéter les mots qui ont été prononcés, comme une grande récitation, il s’agit d’être fidèle, c’est-à-dire non seulement de connaître ce qui a été dit, mais de rester dans l’esprit de la parole. L’histoire de la première lecture nous montre un exemple de cette fidélité lorsqu’il s’est agi de savoir ce que devaient faire les chrétiens qui n’étaient pas d’origine juive. C’est alors l’Esprit Saint parlant au cœur et à l’intelligence des apôtres qui les guide. Cela nous vaut cette phrase étonnante et admirable : « l’Esprit Saint et nous avons décidé ».
Nous voilà donc avec des indications précieuses pour approfondir notre vie spirituelle. Tout d’abord notre fidélité à la Parole de Dieu est la mesure de notre amour pour Lui. Cela suppose qu’on ne se lasse jamais de chercher à la connaître, à la comprendre et à la vivre. Pour cela nous avons besoin de l’Esprit Saint. Quand nous lisons la Bible, il ne s’agit pas de la lire comme on lit un roman, mais il faut d’abord invoquer l’Esprit Saint, lui demander d’être pour nous comme Jésus pour les disciples d’Emmaüs : qu’il ouvre nos cœurs à l’intelligence des Écritures pour que nous y reconnaissions ce qui nous concerne, ce qui le concerne et savoir comment y être fidèle.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à accueillir la lumière qui vient de l’Agneau de Dieu pour que sa Gloire nous illumine. Elle qui est le Trône de la Sagesse, la Vierge fidèle, la Demeure de l’Esprit Saint, qu’elle nous apprenne à garder la Parole que Jésus nous a confiée, qu’elle nous aide à accueillir l’Esprit qui nous enseigne tout et qu’à son exemple nous puissions nous laisser aimer par le Père qui vient demeurer en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Le temps est venu d'aimer
5PAC
5° Dimanche de Pâques - Année C
Ac 14,21b-27 ; Ps 144 (145) ; Ap 21,1-5a ; Jn 13, 31-33a.34-35
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » … Évidemment on connaît cette phrase de Jésus ! C’est même sans doute la phrase de l’évangile la plus connue, au point qu’on peut se demander si ça vaut la peine de la commenter ! Et je confesse que la tentation était grande de la laisser de côté pour m’intéresser plutôt aux autres textes que nous avons entendus. Et puis je me suis souvenu d’un proverbe rabbinique qui dit que la Parole de Dieu est comme un arbre où l’on peut chaque jour cueillir un fruit nouveau : ce n’est donc pas parce qu’un texte est connu qu’on ne peut en apprendre quelque chose. Par exemple, on remarquera le contexte : l’évangile nous présente cette phrase un peu comme le testament de Jésus. Il dit à ses apôtres : « maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et pour vous est venu le temps de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés ». Si c’est la dernière consigne du Seigneur aux disciples, si c’est la phrase qui marque le passage entre la vie publique de Jésus et notre situation, non seulement ce ne serait donc pas très ajusté de s’en désintéresser, mais il vaut mieux la goûter et la méditer !
Le temps est venu d’aimer, d’un amour qui est parole de Dieu. D’abord parce que c’est un commandement : c’est ce que le Christ nous demande … il s’agit donc d’un amour qu’on peut décider, d’un acte de notre volonté, et non pas d’un sentiment ou d’une émotion qu’on ne commande pas. Mais cet amour est aussi parole de Dieu parce que c’est le témoignage qui nous est demandé : « on reconnaîtra que vous êtes mes disciples à l’amour que vous aurez les uns pour les autres ». On est bien au cœur de notre vocation prophétique : témoigner de ce qui nous est dit. L’amour que nous devons avoir est à l’image de l’amour que nous recevons. Il ne s’agit pas de projeter sur Dieu notre expérience, et de croire que Dieu nous aime comme nous-même nous aimons, mais de transmettre ce que nous reconnaissons de Dieu pour aimer comme Dieu aime ; d’un amour qui donne et se donne et pardonne.
Le temps est venu d’aimer, d’un amour qui est aussi service. Ainsi que le montre le texte des Actes des Apôtres. Un service fidèle et persévérant, comme Paul et Barnabé qui ne se contentent pas d’annoncer la parole à Lystres, Iconium et Antioche de Pisidie, mais qui reviennent pour affermir le courage des disciples. Ils assurent le « service après annonce ». Mais c’est aussi un service qui sait s’effacer et faire confiance, sans chercher à se rendre indispensable : c’est le sens de ce passage de témoin, quand ils désignent des anciens pour chacune des églises. C’est un bel exemple de la dynamique royale à laquelle nous sommes appelés. Une dynamique de responsabilité qui sait s’engager sans s’imposer, qui fait passer le bien de ceux qu’il sert avant son propre confort ou sa propre satisfaction. Il n’y a que l’amour qui permette au service de durer sans se transformer en un pouvoir déguisé.
Le temps est venu d’aimer, d’un amour qui est encore prière. A l’image de cette Jérusalem nouvelle que contemple Jean dans le texte de l’Apocalypse. Cette Ville sainte où Dieu demeure avec les hommes, et les hommes avec Dieu ; le lieu de l’alliance et de la consolation. Ainsi l’amour nous invite à rejoindre le Seigneur non pas en construisant laborieusement une tour qui s’élève depuis la terre jusqu’au Ciel, mais étant disponibles à ce qui descend d’auprès de Dieu pour nous rejoindre. La prière que nous propose le Seigneur n’est pas un exercice psychologique d’intériorité, ni même l’hommage que doit la créature au créateur ; la prière que nous propose le Seigneur est présence à la présence, dans cette proximité où Dieu nous donne ce que nous lui donnons, dans l’unité qui nait de l’appartenance mutuelle.
Le temps est venu d’aimer de cet amour Parole de Dieu qui nous est confié ; de cet amour qui se donne dans le service où nous prenons soin les uns des autres ; de cet amour mystère d’unité où nous rejoignons le Seigneur pour partager sa vie.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Etoile du matin qu’elle fasse resplendir nos vies du Don de Dieu. Mère du Bel Amour qu’elle nous entraine dans le souffle de l’Esprit. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous rende toujours plus disponibles à la présence de Celui qui nous invite à demeurer en Lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Comment être dans le troupeau du Christ ?
4PAC
4° Dimanche de Pâques - Année C (Messe de la Bravade de Fréjus)
Ac 13,14.43-52 ; Ps 99 ; Ap 7,9.14b-17 ; Jn 10, 27-30
Le quatrième dimanche après Pâques, l’église lit un passage de l’évangile où Jésus se décrit comme le Bon pasteur. C’est une heureuse coïncidence du calendrier qui nous fait méditer aujourd’hui sur le titre utilisé par Saint François de Paul dans sa dernière prière : « Ô Jésus, bon pasteur, conservez les justes, purifiez les pécheurs, ayez pitié de vivants et des morts et soyez-moi propice à moi qui suis un pécheur ».
Mais cette année, peut-être pour nous stimuler, la deuxième lecture vient un peu brouiller les pistes. Jean voit une foule immense, de tous peuples et nations … on pourrait l’imaginer comme une sorte de bravade universelle et éternelle ! Mais l’Ancien explique à Jean ce qu’il aperçoit et lui dit : « L’Agneau sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie ». Étonnant ! Le pasteur est un agneau ! On sait que l’Apocalypse aime les images frappantes, on sait aussi que c’est le Christ qu’on appelle l’Agneau de Dieu … mais le rapprochement est significatif : le Seigneur nous guide et nous protège de l’intérieur, en se faisant l’un de nous pour que nous puissions partager sa vie. Car c’est bien ce que Jésus dit dans l’évangile : « je leur donne la vie éternelle ». Et l’on comprend alors pourquoi le thème du Bon pasteur est évoqué dans ce temps de Pâques : le Christ est ressuscité pour que nous puissions avoir la vie éternelle. Encore faut-il que nous l’acceptions comme pasteur, que nous acceptions de faire partie de son troupeau.
Comment faire partie du troupeau ? Jésus explique : « mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent ». Voilà en quelque sorte les trois conditions pour faire partie du troupeau du Bon pasteur, les trois conditions pour être chrétien.
Tout d’abord, il s’agit d’écouter sa voix. Et déjà cela nous interroge : quelle voix écoutons-nous ? Lorsque François de Paule débarque à Fréjus, il est en route pour rejoindre le roi de France Louis XI qui espérait bien une guérison. Mais en arrivant à la cour, le saint l’invite à une conversion : « Sire, il faut vous en remettre à la divine Providence […] mettez en ordre ce que vous avez de plus précieux qui est votre conscience ; car il n’y a point de miracle pour vous. Votre heure est venue, il vous faut mourir ». Le message est rude, on a connu plus compatissant ! Pourtant c’est une manière de lui dire : ne vous préoccupez pas que Dieu écoute votre voix, préoccupez-vous d’écouter la voix de Dieu ». Bien souvent, nous sommes plus attentifs à écouter la voix de nos émotions ou de nos réflexions, ou alors on écoute la voix de la foule, des médias, de ceux qui parlent le plus fort. Mais ces voix sont comme une bourrasque qui déferle, alors que la voix du Seigneur est le murmure d’une brise légère. D’une bourrasque on se protège, d’une brise légère on reçoit fraicheur et soulagement. Notre première attention devrait être d’être attentif à écouter la Parole de Dieu, par la lecture de la Bible, par la prière, par le discernement pour chercher à faire ce que le Seigneur nous demande.
Ensuite, Jésus déclare « moi je les connais ». Dieu nous connait, non pas comme une caméra de surveillance, mais comme le pasteur qui fait attention à chacun, qui nous connait personnellement. Il sait de quoi nous sommes capables, il sait ce qui est bon pour nous. Encore faut-il accepter de se laisser connaître par le Seigneur, accepter le regard de Dieu sur nous. Et l’on accueille se regard par un acte de confiance. Comme Mise Bertolo accueille l’affirmation du saint qui lui dit « allez leur annoncer que je suis venu pour leur faire du bien » comme cette nouvelle ranime la confiance des fréjussiens : « le Bon Dieu nous a fait miséricorde, un saint vient nous l’annoncer ». Il n’a pas fait de grands gestes, ni de démonstration extravagante, c’est la présence et le témoignage qui invite à la confiance et à la fidélité. La deuxième condition de la vie chrétienne c’est cette foi qui s’appuie sur la parole du Seigneur pour reconnaître sa bonté et sa fidélité, pour vivre une relation de confiance avec celui qui nous connait et que nous apprenons à connaître.
Enfin, il y a une troisième condition : « elles me suivent ». Dans la première lecture, nous avons un bel exemple de la nécessité de cette dimension. Ceux à qui s’adressent Paul et Barnabé « rejettent la Parole de Dieu et ne se jugent pas dignes de la vie éternelle » … Le signe que la parole est accueillie, c’est qu’elle est mise en pratique, c’est qu’elle transforme notre vie. Elle ne reste pas dans la sphère nébuleuse des belles idées ou des rêves inaccessibles, elle est un guide et un chemin, elle est un principe d’action. Suivre le Bon Pasteur c’est vivre la charité, la Caritas, devise que saint François de Paule a donné à l’ordre des Minimes. Car la charité nous entraine dans le mystère de Pâques, elle traverse les épreuves pour qu’elles ne soient qu’un passage, elle s’engage pour que la vie triomphe de la mort, elle s’implique pour que la paix triomphe des conflits. Charitas ce n’est pas juste le nom d’un pointu, c’est la direction qui nous est indiquée pour suivre le Christ, pour vivre le mystère de Pâques et se laisser entrainer au souffle de Dieu.
A l’exemple de saint François de Paule, demandons à la Vierge Marie de nous aider à reconnaître le Bon Pasteur en écoutant sa voix, en lui faisant confiance et en le suivant. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle ouvre nos cœurs à sa Parole. Trône de la Sagesse, qu’elle nous apprenne à accueillir son regard sur nous. Mère du Bel amour qu’elle nous montre le chemin qui nous conduira jusqu’à la source de la vie, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.
N'oublions pas la vie éternelle
4PAC
4° Dimanche de Pâques - Année C
Ac 13,14.43-52 ; Ps 99 ; Ap 7,9.14b-17 ; Jn 10, 27-30
Le quatrième dimanche de Pâques, on lit toujours un évangile où Jésus se présente comme le Bon Pasteur. Cela fait partie des passages obligés dans la méditation du mystère de Pâques. Et le texte de cette année nous permet d’en comprendre l’importance : le bon pasteur conduit ses brebis à la vie éternelle. S’il peut donner la vie éternelle, c’est parce qu’il est ressuscité : c’est le mystère de Pâques qui permet à Jésus d’être le Bon Pasteur.
Car la foi chrétienne, c’est d’abord cela : recevoir la vie éternelle. C’est particulièrement frappant dans l’épisode de Paul et Barnabé à Antioche de Pisidie. Que dit l’apôtre à ceux qui le contredisent ? « Vous ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle ». Et que dit saint Luc qui raconte l’histoire : « ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants ». C’est bien la vie éternelle qui est en jeu.
Ainsi, tout ce que nous faisons et tout ce que nous vivons dans l’Église nous conduit à la vie éternelle … à condition qu’on ne l’oublie pas, évidemment ! La prière et les sacrements nous font goûter cette vie éternelle ; l’écoute de la parole et le témoignage nous entraînent à mieux connaître et à faire connaître la vie éternelle ; le service et l’engagement nous préparent à la vie éternelle. Mais cette vie éternelle ne se conquiert pas, elle se reçoit et elle se reçoit du Christ. Oh bien sûr, si les sacrements n’étaient que des cérémonies pour honorer ceux qui les demandent, on n’aurait pas besoin de prêtres, mais juste de metteurs en scènes et d’animateurs populaires comme on en trouve sur les radios ou les télévisions. Bien sûr, si la parole de Dieu n’était qu’une doctrine, on n’aurait pas besoin de prêtres, mais juste de professeurs qui sachent expliquer et préparer à l’examen de niveau qu’on chercherait à atteindre. Bien sûr, si la vie chrétienne n’était qu’un humanisme social et une concorde fraternelle, on n’aurait pas besoin de prêtres, mais juste de managers efficaces et de juges attentifs à garder tout le monde dans le droit chemin. Mais si les sacrements n’étaient qu’une cérémonie, si la Bible n’était qu’une doctrine, si la vie n’était qu’une morale … nous ne pourrions jamais obtenir la vie éternelle ! La foi et la vie chrétienne ne sont pas seulement des réalités humaines, elles sont d’abord des réalités divines qui nous conduisent à la vie éternelle sous la houlette du Bon Pasteur, le Christ ressuscité.
Et parce que cela pourrait être facile à oublier, le Seigneur, a voulu que certains soient le signe du Bon Pasteur : les évêques, et leurs collaborateurs, les prêtres et les diacres. Ils sont signes, non pas à cause de leurs qualités humaines, intellectuelles ou spirituelles – même si cela ne gâche rien. Ils sont signes parce qu’ils ont reçu la mission de l’être. Sans eux, une communauté chrétienne finirait pas oublier qu’elle est une partie du peuple de Dieu, que son but est la vie éternelle, que cette vie éternelle ne se conquiert pas mais se reçoit du Christ. Un diocèse sans évêque ou une paroisse sans prêtre finira par se concevoir comme une association, un cercle d’étude ou une bande d’amis.
La vie sacerdotale comme la vie religieuse manifestent au cœur de l’Église que nous sommes faits pour la vie éternelle. Tous sont appelés à la désirer, mais certains sont appelés à la manifester. Pourtant si Dieu appelle, c’est à l’homme de répondre. Ainsi le dimanche du Bon Pasteur est aussi le jour où l’on prie pour les vocations sacerdotales et religieuses. Il s’agit de prier pour que le Seigneur appelle, mais de prier aussi pour que des gens répondent. Car le Seigneur appelle toujours, mais les hommes ne répondent pas toujours. C’est devenu un lieu commun de déplorer le peu de vocations sacerdotales et religieuses dans notre pays. Encore faut-il que nous les encouragions. Et le véritable encouragement aux vocations, c’est de vivre notre vocation de baptisés, pleinement. Non pas comme un marqueur culturel, comme une opinion ou une philosophie, mais comme un appel à la vie éternelle. Les vocations sacerdotales et religieuses ne sont pas tant des choix individuels que les fruits de la foi, de l’espérance et de la charité d’une communauté. En cette année jubilaire de l’espérance nous avons l’occasion de remettre au centre de notre vie chrétienne le désir de la vie éternelle : ce n’est pas une affirmation désuète ou une hypothèse lointaine c’est le moteur de notre foi.
Que la Vierge Marie nous aide à entendre la Parole de Dieu, à la laisser transformer nos cœurs et nos vies pour que resplendissent au milieu de nous les signes de celui qui nous donne la vie éternelle. Elle qui a su répondre à l’ange « je suis la servante du Seigneur, que tout se fasse selon ta parole », qu’elle nous rende disponibles à écouter le Christ et à le suivre. Elle qui a chanté les merveilles de Dieu dans le Magnificat, qu’elle nous soutienne dans la prière pour que nous soyons toujours plus fidèles à notre vocation. Elle qui a dit aux serviteurs de Cana : « faites tout ce qu’il vous dira » qu’elle nous accompagne sur les chemins que nous indique le Bon Pasteur, et qu’ainsi nous soyons, nous aussi remplis de joie et d’Esprit Saint. Le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !
Les états d'âme de Simon-Pierre
3PAC
3° Dimanche de Pâques - Année C
Ac 5, 27-41 ; Ps 29 ; Ap 5,11-14 ; Jn 21,1-19
Le temps de Pâques nous fait revivre les rencontres des disciples avec Jésus Ressuscité, et voilà que pour le troisième dimanche, il nous est donné d’entendre le récit de « la troisième fois que Jésus ressuscité des morts se manifestait à ses disciples ». C’était au bord du lac de Tibériade, au petit matin. Parmi tous les personnages de la scène, Simon-Pierre apparaît un peu comme un fil rouge. Si l’évangéliste s’est donné la peine de décrire ses différentes réactions, c’est sans doute pour que nous puissions le suivre et reconnaître dans ses différentes situations, autant de manières de rencontrer le Ressuscité.
L’histoire commence par la réflexion de Simon-Pierre : « je m’en vais à la pêche ». Bien sûr à Jérusalem, le Christ les avait rejoints dans la maison où ils s’étaient verrouillés par crainte de ceux qui avaient condamné leur Seigneur. Ils l’avaient vu une première fois, en l’absence de Thomas, puis, huit jours après, au même endroit, mais cette fois-ci Thomas était avec eux. Ensuite ? On comprend qu’ils ont quitté Jérusalem et sont retournés chez eux, en Galilée, au bord du lac de Tibériade, là où tout avait commencé pour eux. Et sans doute ils ne savaient pas bien trop quoi faire. Alors peut-être pour s’occuper, ils vont reprendre leurs habitudes et s’en vont pêcher. On les imagine un peu moroses, un peu désabusés, et pour ne rien arranger à la situation, ils s’affairent toute la nuit sans rien prendre. Jusqu’à ce qu’un type sur le rivage les interpelle et leur dise de jeter les filets à droite de la barque. La première manière de rencontrer le Christ ressuscité, c’est dans la routine. Une sorte de persévérance sans enthousiasme, où l’on fait ce qu’on a l’habitude de faire, de manière un peu mécanique. Dans un monde trop sensible au spectaculaire et aux émotions fortes, il est bon de se rappeler que le Christ nous rejoint dans l’ordinaire de la vie, que sa parole nous invite au cœur de nos routines, et que nos efforts laborieux nous disposent à accueillir la puissance de sa présence.
Puis, quand Pierre entend que c’est le Seigneur, il passe un vêtement et se jette à l’eau. Lorsque tous sont arrivés au rivage, à l’invitation de Jésus, il remonte dans la barque pour tirer le filet jusqu’à terre. On peut admirer l’empressement de Pierre à retrouver le Seigneur. Il y a une sorte d’exaltation un peu brouillonne. Comme s’il agissait sans beaucoup réfléchir ! Drôle de réflexe de se vêtir pour nager : d’habitude on fait plutôt le contraire, parce que c’est plus difficile de nager tout habillé. Et puis, une centaine de mètres à parcourir, il n’est pas sûr que ça ne soit plus rapide à la nage qu’en barque. Et c’était bien la peine de quitter la barque pour remonter ensuite ! Dans cette phase du récit, on voit bien que le but n’est pas de rechercher l’efficacité mais de goûter la présence du Seigneur, même si c’est de manière un peu désordonnée. La deuxième manière de rencontrer le Christ ressuscité c’est la joyeuse confusion de l’émotion. Ce que les maitres spirituels appellent la consolation. Quand l’exaltation prend le pas sur la raison, quand il ne s’agit plus tant de réfléchir ou de calculer, mais de vivre, de goûter, de profiter. Il y a des moments où il faut lâcher prise et se laisser entrainer par la présence du Seigneur.
Enfin, il y a le dialogue avec Jésus. Avec les trois questions « Simon fils de Jean, m’aimes-tu ? ». C’est un moment privilégié entre le disciple et le Seigneur, un moment précieux, même s’il y a une pointe de tristesse parce que Jésus lui demande trois fois la même chose, comme s’il doutait de la réponse de Pierre. On sait que dans le texte grec, ce n’est pas tout à fait la même chose. Que les deux premières fois, Jésus demande « est-ce que tu m’aimes d’un amour de préférence » et que Pierre répond par un autre mot en disant « je t’aime d’amitié ». Comme s’il descendait d’un cran dans l’amour par rapport à ce que Jésus demande. Mais peu importe. Cette troisième manière de rencontrer le Christ ressuscité, c’est la prière, le cœur à cœur avec le Seigneur. Ce n’est pas la routine, ce n’est pas l’exaltation, c’est la relation, avec son lot de confiance, d’affection, d’incompréhension et d’ajustement réciproque. Mais c’est aussi le couronnement des deux premières manières car c’est dans cette rencontre que la parole de Dieu indique notre vocation, qu’elle nous révèle ce pour quoi le Seigneur compte sur nous.
Au bord du lac de Tibériade, lors de la troisième apparition de Jésus ressuscité à ses disciples, Pierre le rencontre de trois manières : dans la laborieuse fidélité du quotidien, dans la joyeuse exubérance des retrouvailles, dans le cœur à cœur de la prière. Et nous ? En cette troisième semaine de Pâques, à quel type de rencontre avec le Ressuscité sommes-nous prêts ?
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous accompagne et nous fasse reconnaître la présence du Christ. Vierge fidèle, qu’elle nous apprenne la persévérance ; Mère du Bel Amour qu’elle nous fasse goûter la joie de la rencontre ; Temple de l’Esprit Saint qu’elle nous révèle la Parole que Dieu nous adresse, pour que nous puissions témoigner de la belle espérance de Pâques : le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !