Une belle histoire, la notre
30TOB
30° Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Jr 31,7-9 ; Ps 125 ; He 5,1-6 ; Mc 10,46b-52
« Il était une fois un aveugle qui mendiait sur le bord du chemin ». L'histoire que nous venons d'entendre est belle, elle est d'autant plus belle qu'elle a été vécue. Mais elle est aussi belle parce qu’elle est comme une parabole, ce n’est pas seulement l’histoire de Bartimée, c’est l’histoire de chacun de nous à laquelle nous invite la messe.
L'histoire commence par un cri : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Ce cri nous le connaissons parce que nous le disons, nous aussi ; nous venons même de le dire en priant « Kyrie eleison », « Seigneur prends pitiés ». Ça n'est pas un cri académique, ça n'est pas un cri anodin. C'est un cri de désespoir. « Pitié », c'est le cri de celui qui n'en peux plus, de celui qui est submergé par la souffrance, celle qui lui est imposée, mais aussi parfois celle qu’il s’impose lui-même par le péché. Paradoxalement l’action de grâce commence par une imploration. C’est le mouvement auquel invitait le prophète Jérémie « soyez dans la joie et criez : “Seigneur, sauve ton peuple” ». La vie spirituelle commence par un appel au secours.
Mais cela ne va pas de soi. Lorsque Bartimée crie, il y a beaucoup de gens pour le rabrouer et le faire taire. De même, il y a beaucoup de passions en nous pour étouffer notre appel à Dieu. Il y a beaucoup de raison pour renoncer à crier vers Dieu. Cela peut être notre orgueil, qui refuse de reconnaître que nous avons besoin du Seigneur, ou bien le désespoir qui croit inutile d'essayer de s'en sortir, ou encore le respect du Seigneur qui incite à ne pas l'ennuyer avec nos affaires … Mais il faut persévérer. Il faut comme Bartimée, arriver à un tel point, que rien ne peut nous faire taire ; au contraire, il faut que les contrariétés nous incitent à crier de plus belle vers le Seigneur. Il faut que les difficultés augmentent notre appel au lieu de l'affaiblir.
Alors Jésus s'arrête et c'est lui qui appelle … C’est le temps où la Parole de Dieu retentit et nous appelle. Voilà pourquoi, la messe continue par la liturgie de la Parole, pour que nous puissions entendre l’appel du Seigneur … et surtout pour y répondre, même si comme pour Bartimée, cela doit nous dépouiller. Pour répondre généreusement au Christ, il faut accepter de jeter son manteau, renoncer à ce qui nous protège. Aller vers le Seigneur oblige à laisser des choses qui paraissaient essentielles, pour avancer. Il y a tant de manteaux, intellectuels ou non, que nous devons jeter en entendant la Parole, pour courir vers Jésus.
C'est alors le temps de la rencontre. Le temps où l'on expose nos attentes, où dans la contemplation nous pouvons présenter au Seigneur nos intentions, et pas seulement les nôtres. Toutes nos prières universelles sont un écho de la prière de l'aveugle sur le chemin de Jéricho : « Rabbouni, que je retrouve la vue ». Avec d’autres mots, nos intentions déclinent « Seigneur fais qu'ils voient ton amour », « Seigneur fais que le monde voie ta présence ». Alors Jésus nous révèle la vérité sur nous même : « ta foi t'a sauvé ». Devant Jésus resplendit la vérité de notre foi. De même que devant l'eucharistie, au cœur de la communion, la question de la foi devient inéluctable. Le corps du Christ nous révèle à nous-mêmes : en recevant le Seigneur, nous nous donnons, nous nous dévoilons …
Alors, si nous sommes vrais, si notre foi resplendit, nous sommes prêts à suivre Jésus sur la route de la vie. Et pas seulement dans la bénédiction ou l'action de grâce, mais par tout ce que nous faisons. Car l’histoire ouvre une autre histoire, c'est le temps de la mission. Ne parlons pas de "messe" sans penser mission.
Oui, elle est belle l'histoire de Bartimée, parce que c'est notre histoire, parce que c'est l'histoire de ce moment que nous vivons. C’est l'histoire d’une foi qui accepte de ne pas s'endormir mais de crier vers Dieu, d’une foi qui ne se blottit pas dans le manteau du confort, mais qui cherche à voir toujours plus, non seulement le monde mais Dieu lui-même, pour le suivre sur le chemin.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Refuge des pécheurs, qu’elle guide notre prière. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous fasse entendre l’appel du Seigneur. Mère du Bel Amour qu’elle nous accompagne sur le chemin à la suite du Christ, pour que nous puissions demeurer en lui, comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Une ambition à la mesure du Christ
29TOB
29 ème dimanche du Temps Ordinaire - année B
Is 53,10-11 ; Ps 32 ; He 4,14-16 ; Mc 10,35-45
Si les enjeux n’étaient pas si importants, la situation que rapporte l’évangile d’aujourd’hui pourrait être amusante. Le dialogue entre Jésus et Jacques et Jean donne l’impression que le Seigneur a été plus malin que les fils de Zébédée ; ensuite face à l’indignation des dix autres, dont on pressent qu’elle est plus motivée par la jalousie que par la vertu, Jésus prend encore les disciples à contrepied en les renvoyant à l’essentiel pour les sortir de la mesquinerie des vanités. Mais bien au-delà d’une astuce oratoire ou d’une affirmation philosophique, c’est la participation à la gloire de Dieu et la mission du Christ qui sont au cœur des répliques du Seigneur. Ce qui est en jeu dans cette scène, c’est la nature de nos ambitions spirituelles plutôt que des chicaneries de préséance. Et pour nous montrer ce que nous devons désirer, Jésus invite à trois changements de perspective.
D’abord il faut remettre à sa place ce que nous recevons et ce que nous donnons. Lorsque Jacques et Jean s’adressent à Jésus, tout est à sa charge. « Nous voudrions que tu fasses » ; « donne-nous » disent-ils. Apparemment, rien que de très normal pour une prière. Le ton est plutôt respectueux (encore que l’introduction soit un peu fourbe). Car, enfin, quand on demande quelque chose à quelqu’un, c’est bien pour qu’il agisse ! Or quelle est la réponse de Jésus ? « Pouvez-vous » ? Il ne s’agit pas tant de répondre à une question par une question, c’est surtout renverser la charge de l’action. Ce n’est pas tant Jésus qui doit faire, ce sont les disciples qui doivent faire. Voilà un premier changement de perspective dans la prière, pour paraphraser la fameuse expression de Kennedy, nous devrions plus souvent nous demander ce que nous pouvons faire pour Dieu au lieu de nous demander ce que Dieu peut faire pour nous.
Ensuite il faut remettre à leur place la volonté de Dieu et notre propre volonté. C’est ce que montre la réponse de Jésus : « quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ». Certains disserteront sur la répartition des rôles dans la Trinité, mais ce que montre la remarque de Jésus, c’est surtout qu’il respecte la liberté du Père. On sait bien qu’il y a des choses qu’il serait incongru ou indécent de demander à Dieu, et pourtant, combien de fois nous demandons d’abord au Seigneur ce que nous voulons, au lieu de chercher à faire ce qu’il veut ! Subtilement la prière se fait marchandage : Seigneur, si je fais telle chose, accorde moi telle faveur. Comme si Dieu était notre obligé, comme si la prière était un contrat. Bien sûr, on n’aura jamais l’outrecuidance de prétendre être les maîtres, mais concrètement on attend plutôt d’être servi plutôt que de servir. C’est un deuxième changement de perspective dans notre relation à Dieu. Faire passer la volonté de Dieu avant notre volonté. Cela ne signifie pas que nous ne devions rien vouloir, mais qu’au moins nous soyons attentifs à respecter la liberté du Seigneur.
Enfin il y a la réponse de Jésus à l’indignation des dix qui se sont fait griller la place par l’audace des fils de Zébédée. Jésus ne condamne pas l’ambition : « celui qui veut devenir grand » ; « celui qui veut être le premier » … il est donc légitime de vouloir être grand, de vouloir être premier. Mais les conditions de cette ambition ne sont pas celles des hommes. Il ne s’agit pas d’être le maître mais le serviteur ; il ne s’agit pas de faire sentir le pouvoir mais de se mettre au service. Pourtant il est facile de comprendre qu’il ne s’agit pas de renverser une pyramide hiérarchique. Le changement que propose Jésus n’est pas un changement institutionnel, mais un changement d’esprit. Car le serviteur a toujours un pouvoir, c’est même ce qui lui permet de servir. Ce qui importe c’est la manière d’exercer ce pouvoir, c’est que le pouvoir soit utile à celui qui en bénéficie avant de l’être à celui qui l’exerce. Et la conclusion de l’évangile donne la raison de ce changement : il s’agit de faire comme le Fils de l’homme, c’est-à-dire comme Jésus, lui qui est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie pour la multitude.
Ainsi, c’est le Christ qui doit être la mesure de notre ambition. C’est à la mesure que nous l’imiterons, que nous progresserons. De la même manière, il proposait à Jacques et Jean de boire à la coupe qu’il boira ; d’être baptisé du baptême dans lequel il sera plongé. De la même manière aussi il les invitait à respecter, comme lui, ce que le Père a prévu sur les sièges à sa droite et à sa gauche. Si Jésus prend les disciples à contrepied, c’est pour qu’ils changent de perspective dans leurs désirs, dans leurs résolutions, dans leurs ambitions, et que le Christ soit le centre, le modèle et le but de leur cœur
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse qu’elle nous encourage à donner plutôt qu’à recevoir, surtout dans la prière. Humble Servante du Seigneur qu’elle nous apprenne à préférer la volonté du Père plutôt que notre volonté. Miroir de la Sainteté de Dieu qu’elle nous accompagne sur le chemin tracé par le Christ, pour que nous lui ressemblions toujours plus et que nous puissions demeurer auprès de lui, comme il demeure avec nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Le royaume de Dieu dans notre vie
27TOB
27° Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Gn 2,18-24 ; Ps 127 ; He 2,9-11 ; Mc 10, 2-16
Je dois vous avouer ma perplexité en entendant l’évangile de ce jour. Non pas que les enseignements du Seigneur m’intriguent, c’est même plutôt le contraire. La position de Jésus face à la question des pharisiens sur la répudiation est bien connue ; son attitude vis-à-vis des enfants qu’on lui demande de bénir aussi. Non ! Ce qui m’étonne c’est que l’on nous propose de lire ces deux passages le même dimanche, dans le même évangile. Bien sûr ils sont l’un à la suite de l’autre dans l’évangile de Marc, mais d’habitude, les lectures sont choisies pour garder une unité thématique. Vu la première lecture que nous avons entendue et qui se rattache naturellement à la première partie de l’évangile, pourquoi aller jusqu’à l’histoire des enfants ? Il est vrai que cette deuxième partie peut être omise, et que j’aurai pu choisir la lecture brève. Solution de facilité qui permet de se concentrer sur les affaires matrimoniales. Mais en matière biblique, la solution de facilité est le meilleur moyen pour passer à côté de l’Esprit Saint ! Donc essayons de voir l’intérêt qu’il peut y avoir à rapprocher les deux parties de l’évangile : la controverse avec les pharisiens et l’accueil des enfants.
La première chose que l’on peut remarquer c’est un contraste fort et saisissant entre l’attitude des pharisiens qui se présentent devant Jésus pour le mettre à l’épreuve et celle des parents qui présentent au Seigneur leurs enfants pour qu’il les bénisse. Les uns discutent une permission, les autres demandent une bénédiction. Les premiers viennent pleins d’arrogance, les seconds pleins d’humilité ! Voilà déjà qui peut nous interroger sur nos dispositions de cœur devant le Seigneur. Est-ce que nous attendons de Dieu qu’il conforte nos prétentions, qu’il nous donne raison et nous encourage à continuer ce que nous voulons faire ; ou bien est-ce que nous nous présentons simplement pour recevoir ce qu’il veut nous donner ?
Ensuite on peut s’intéresser à ce que Jésus dit aux uns et aux autres, plus exactement ce qu’il répond aux pharisiens et ce qu’il dit aux disciples qui écartaient vivement les enfants. Aux premiers il explique le sens de la prescription de Moïse sur l’acte de répudiation : « c’est à cause de la dureté de votre cœur ». Effectivement, l’expérience le montre encore de nos jours malheureusement, lorsqu’il y a séparation, lorsqu’il y a conflit, il faut une loi pour nous obliger à respecter celui ou celle à qui l’on s’oppose. La loi n’est pas une permission, elle est un garde-fou pour limiter les dégâts. Jésus rappelle que la volonté de Dieu, c’est l’unité, et que quoi qu’il arrive la dureté de cœur ne doit pas l’emporter sur le respect de chacun. Par ses paroles aux disciples, Jésus complète cet enseignement en demandant, non seulement de respecter mais aussi d’éviter le mépris : « le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent ». Alors que sans doute les disciples trouvaient que la démarche des parents était inopportune et qu’elle venait troubler une discussion sérieuse pour des motifs futiles, le Seigneur rappelle l’éminente dignité de chacun, spécialement de ceux qui ne nous intéressent pas ! Dans les deux situations, il nous est rappelé que c’est le regard de Dieu qui doit commander nos réactions et nos relations, et non pas nos émotions ou nos sentiments.
Enfin il y a la conclusion du texte : « celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas ». Généralement on comprend qu’il faut accueillir le royaume de Dieu comme un enfant l’accueille. Le prédicateur zélé va se lancer alors dans un émouvant plaidoyer pour l’innocence et la docilité. C’est généralement très émouvant, assez romantique et un peu convenu. Ne pourrait-on pas comprendre autrement cette phrase ? Ne peut-elle pas dire aussi qu’il faut accueillir le royaume de Dieu comme on accueille un enfant ? Alors s’éclaire le lien avec l’enseignement sur le mariage. Car cela nous rappelle que notre relation à l’autre est le lieu de notre relation à Dieu. Quand les époux se reconnaissent unis par Dieu, ils se découvrent participant d’un mystère qui les dépasse. Leur amour devient le sacrement, c’est-à-dire le signe et le moyen, de l’amour de Dieu. De la même manière, l’enfant qui nous dérange même gentiment, celui qui nous désarme par sa fragilité, celui qui a besoin de notre attention ou de notre aide, l’enfant qu’il soit câlin ou qu’il soit pénible, éveille en nous la disponibilité qui permet d’accueillir le royaume de Dieu, ce royaume qui nous dérange parfois, qui nous désarme souvent et qui nous sollicite toujours.
Ainsi, bien plus qu’un traité de morale, ou une succession d’anecdotes, l’évangile d’aujourd’hui nous ouvre le cœur de Dieu en interrogeant nos cœurs. Comment nous présentons-nous devant Dieu : comme ceux qui négocient une permission ou comme ceux qui mendient une bénédiction ? Savons-nous regarder les autres avec les yeux de Dieu, en y reconnaissant l’amour qu’il leur porte en toutes circonstances ? Vivons-nous nos relations comme la porte de la vie spirituelle, comme le lieu de vérité sur notre relation à Dieu ?
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Consolatrice des affligés qu’elle dispose nos cœurs à la rencontre du Seigneur. Porte du ciel qu’elle nous révèle le regard de Dieu sur ceux que nous croisons. Mère du Bel Amour qu’elle nous apprenne à vivre entre nous ce que nous vivons avec le Seigneur pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.