Choisir le parti de la vie
13TOB
13° Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Sg 1,13-15 ; 2,23-24 ; Ps 29 (30) ; 2 Co 8, 7.9. 13-15 ; Mc 5,21-43
En général, la première lecture est choisie en lien avec l’évangile. Et aujourd’hui on comprend aisément ce qui les rapproche puisque saint Marc nous rapporte la résurrection de la fille de Jaïre et que le livre de la Sagesse rappelle que « Dieu n’a pas fait la mort ». Ce qui est loin d’être évident ! Après tout, la seule chose à peu près certaine c’est que nous mourrons. Et ce n’est pas l’idée qui nous enthousiasme le plus ! Et c’est bien pour cela que le Sage affirme que nous sommes faits pour vivre : nous aspirons à l’éternité parce que c’est pour cela que Dieu nous a créé.
Pourquoi donc la mort est-elle entrée dans le monde ? « Par la jalousie du diable », répond la première lecture. Là-dessus, on ne peut pas faire grand-chose, en revanche le texte continue et parle de « ceux qui prennent parti pour lui ». Et on retrouve un thème très ancien dans la Bible : on peut choisir le parti de la vie ou choisir le parti de la mort. Chacun aura compris qu’il ne s’agit pas de partis politiques, et que ce choix ne se fait pas en mettant un bulletin dans une urne ! Regardons plutôt dans l’évangile ceux qui choisissent la vie et ceux qui choisissent la mort. Par deux fois en effet, Jésus et Jaïre vont rencontrer des gens qui prennent le parti de la mort. Et chaque fois le Seigneur les dépasse et invite Jaïre à prendre un autre parti. La première fois, c’est ceux qui viennent prévenir : « ta fille vient de mourir, à quoi bon déranger encore le maître ». La deuxième fois, c’est à la maison, quand ceux qui pleurent et crient, se moquent de Jésus.
La première manière de prendre le parti de la mort c’est de se résigner. Non pas le consentement de celui qui s’efforce d’accueillir la vie telle qu’elle est, mais le fatalisme de celui qui pense qu’il n’y a rien à faire et que Dieu est inutile. La foi est le contraire de cette résignation. Les premiers chrétiens disaient des défunts qu’ils étaient « endormis » en attendant la résurrection. Mais encore aujourd’hui, la foi ouvre à l’espérance et à la communion des saints. Ceux qui sont morts n’ont pas disparus : ils vivent dans le cœur de Dieu, ils vivent à la manière de Dieu. Et c’est pourquoi nous pouvons les retrouver à la mesure de notre union à Dieu, et de leur union à Dieu. Nous pouvons aussi nous aider mutuellement dans la prière. Faire dire une messe pour un défunt, ce n’est pas rajouter un bouquet à un monument, c’est se donner rendez-vous en Dieu et partager ensemble le repas du Seigneur. Mais il y a d’autres situations de notre vie où la foi invite à ne pas se résoudre à la mort. Soigner et visiter les malades, c’est refuser de se résigner à ce que la maladie et la souffrance diminuent la vie. Partager et s’engager auprès de ceux qui ont besoin d’aide, c’est refuser de se résigner à l’injustice et la misère qui sont du parti de la mort. Aimer gratuitement et pardonner, c’est choisir la vie pour ne pas laisser triompher des semences de mort que sont la maladresse ou la mesquinerie. Notre foi n’est pas un encouragement à la résignation mais à l’engagement parce qu’elle nous invite à prendre le parti de la vie.
La deuxième manière de prendre le parti de la mort, le deuxième obstacle sur le chemin de Jésus est illustré par ceux qui se moquent de lui dans la maison de Jaïre. Ceux-là pensent savoir mieux que Jésus. Au moment où Jésus refuse la mort, eux la défendent. Après la résignation, l’autre manière de prendre le parti de la mort, c’est l’orgueil. Il y a plusieurs visages à l’orgueil. Il y a l’orgueil un peu pathétique et facilement reconnaissable de celui qui se montre et veut qu’on l’admire, et puis il y a celui plus subtil de l’orgueil intérieur qui se drape dans sa souffrance pour refuser tout aide et toute ouverture. En fait, on ne peut pas prendre tout seul le parti de la vie, il faut le choisir avec Dieu : c’est lui qui nous montre comment le choisir. Et pour cela il faut accepter de l’écouter, même quand sa parole est déroutante, même quand elle contredit notre expérience ou notre sentiment. On choisit la vie en faisant confiance à son créateur, et l’on ne peut faire confiance que si l’on renonce à tout maîtriser et se débrouiller tout seul.
Et si nous refusons de prendre le parti de la mort. Si nous suivons Jésus jusqu’au bout du chemin, en dépassant l’obstacle de la résignation et l’obstacle de la suffisance ; alors comme Jaïre nous pourrons entrer dans la chambre et contempler le Christ maître de la vie. Il prend la jeune fille par la main, parce qu’il y a toujours quelque chose à faire et que Dieu ne baisse jamais les bras ; il ordonne à l’enfant de se lever, car la vie est un appel de Dieu … et surtout, il demande à Jaïre et à sa femme de faire manger leur fille … parce que, si la vie vient de Dieu, si la vie est en Dieu, elle nous est confiée et c’est à nous de l’entretenir, de la soutenir, de la nourrir. Choisir le parti de la vie, ce n’est pas simplement éviter les obstacles qui éloignent du don de Dieu, c’est surtout accueillir ce qui nous est confié. Si c’est Dieu qui relève, c’est à nous de nourrir.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Elle qui est la Consolatrice de ceux qui souffrent, qu’elle nous apprenne à choisir la vie en refusant toute résignation et toute suffisance. Elle qui est le Refuge des pécheurs qu’elle nous guide pour accueillir le don de Dieu dans l’écoute et l’humilité. Elle qui est le Secours des Chrétiens, qu’elle nous montre comment prendre soin de la vie dans l’engagement et la bienveillance. Ainsi nous pourrons être ce pour quoi nous sommes faits, et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Le Seigneur dans la tempête
12TOB
12° Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Job 38,1.8-11 ; Ps 106 ; 2 Co 5,14-17 ; Mc 4,35-41
Il y a des textes de la Parole de Dieu qui me laissent perplexe. Apparemment très simples, il est difficile de comprendre ce qui est en jeu. Par exemple, l’épisode de la tempête apaisée. Jésus et ses disciples sont dans une barque, et Jésus dort. Mais la tempête arrive, elle met leur vie en danger, alors ils réveillent Jésus qui calme les flots, mais reproche ensuite qu’on l’ait dérangé pour rien. Apparemment, pas de problème.
En fait, si ! Il y a bien un problème : je ne comprends pas le reproche de Jésus. Ils étaient vraiment en danger, l’eau commençait à envahir la barque, alors ils ont bien fait de lui demander de l’aide. Je n’accepte pas que ce texte dise « n’aie pas peur dans les difficultés, Dieu dort, fais comme lui ! » Si la morale de l’histoire c’est que les disciples auraient dû faire comme Jésus et dormir comme si de rien n’était, je ne comprends pas ! Dans les tempêtes de la vie, ce n’est pas possible de dormir, ça n’est pas possible de ne rien faire !
Comme ce texte est Parole de Dieu, et que l’enseignement de Jésus est digne de confiance, il faut admettre que j’ai peut-être mal compris le texte. Avant de le rejeter il faut prendre le temps de mieux le comprendre, et pour cela de le lire plus lentement, plus en détail.
Il n’y a pas de doute que Jésus reproche aux apôtres d’avoir peur. Mais à quel moment le texte dit-il qu’ils ont peur ? Ce n’est pas au moment où ils réveillent Jésus, c’est après. C’est devant ce que Jésus a fait, qu’ils sont « saisis d’une grande crainte ». Littéralement « effrayés d’un grand effroi ». Cela veut dire qu’ils ont plus peur après la tempête que pendant !
On peut alors comprendre que les disciples n’ont pas réveillé Jésus pour lui dire « sauve-nous », mais pour l’avertir du danger. On pourrait traduire leur intention à ce moment-là : « fais tes prières, toi aussi, parce que nous allons mourir ». Leur intervention auprès de Jésus n’est pas une prière : ils ne savaient pas ce qu’il allait faire, ce qu’il pouvait faire. Ils n’avaient pas réalisé qui était Jésus … et c’est après, qu’effrayés, ils se demandent : « qui est-il pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » Question à laquelle, ils ont déjà la réponse, elle est dans le livre de Job et dans le psaume : celui qui réduit la tempête au silence et qui fait taire les vagues, c’est Dieu lui-même, le Créateur.
Le reproche de Jésus ne porte pas sur la peur du danger, mais sur leur manque de foi. Il ne leur reproche pas d’avoir appelé au secours, parce que, justement, ils n’ont pas appelé au secours. Lorsqu’ils réveillent Jésus, ils ont oublié Dieu, et c’est ça que Jésus leur reproche : « vous ne croyez pas en moi, vous n’avez pas compris que je suis Dieu ». Ce que Jésus leur reproche c’est que les difficultés et la tourmente les éloignent de Dieu, alors qu’ils auraient dû s’en rapprocher. Ils n’ont pas fait le passage que saint Paul décrit dans la lettre aux Corinthiens : ils connaissent Jésus à la manière humaine et non pas à la manière de Dieu. Leur vie est toujours centrée sur eux et non pas sur Jésus.
Et nous ? Que faisons-nous dans les tempêtes de nos vies ? Est que nous les vivons à la manière des hommes en disant « nous sommes perdus » ou bien est-ce que nous les vivons en chrétiens en priant « Dieu viens à mon aide, Seigneur viens vite à mon secours » ? Est-ce que nos difficultés nous éloignent de Dieu ou nous en rapprochent ?
Non pas que Dieu attendrait que nous soyons dans la détresse pour le retrouver, mais parce que Dieu est toujours avec nous, et qu’il l’est aussi dans les difficultés. Chaque fois que nous refusons d’espérer, chaque fois que nous nous plions à la fatalité en disant « c’est fini ! je suis perdu », chaque fois même que nous accusons Dieu en demandant « où est Dieu ? que fait-il ? » nous laissons le mal nous éloigner de Dieu.
Au contraire notre baptême nous invite à vivre en ressuscités. Dans les difficultés de la vie, il nous semble parfois que Dieu semble dormir et ne rien faire. Bien sûr qu’il faut se tourner vers lui. Mais c’est notre foi et notre prière qui doivent le réveiller et non pas notre détresse ou nos cris de désespoir. Ce que Jésus reproche aux disciples c’est ce manque de foi qui les fait paniquer. Car la foi véritable est une confiance inconditionnelle en Dieu, quoiqu’il arrive ! Notre foi ne doit pas être à notre mesure mais à la mesure de Dieu !
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Elle qui est la Vierge de la confiance, le Secours des chrétiens, la Mère de l’Espérance qu’elle nous apprenne à grandir dans la foi, les yeux fixés sur le Christ ressuscité, dans les moments paisibles de la vie, comme dans les tempêtes ; qu’elle nous rappelle qu’en Lui, quoiqu’il arrive, nous ne sommes jamais perdus, mais appelés à vivre de la vie divine, à vivre par Lui, avec Lui et en Lui pour les siècles des siècles.
Notre avenir, c'est l'éternité
11TOB
11° Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Ez 17,22-24 ; Ps 91 ; 2 Co 5,6-10 ; Mc 4,26-28
On se doute bien que l’intérêt de la parole de Dieu que nous venons d’entendre n’est pas de nous initier au jardinage, même si Ézéchiel parle de bouturage, et Jésus de semence et de plantation ! Les paraboles agricoles ont d’abord comme objectif de nous inviter à regarder un peu plus loin qu’un présent décevant. C’est aussi le mouvement auquel nous invitait saint Paul dans la deuxième lecture : tourner nos regards et surtout nos cœurs vers l’avenir. Sans doute est-ce un message valable pour tous les temps, l’homme étant toujours tenté de vivre tourné vers le passé ou fixé sur le présent ou le futur proche, mais dans un monde marqué par l’émotion et l’instantanéité, il nous faut prendre la mesure des efforts à faire pour vivre tournés vers l’avenir, et surtout vers un avenir en Dieu.
D’abord il nous faut apprendre à passer du désir à l’espoir. Parce que le désir ne suffit pas à nous sortir du présent. Il s’émousse avec le temps qui passe tandis que l’espoir grandit. Aussi la parole nous invite à regarder plus loin. L’image de la jeune tige qui devient un cèdre magnifique, celle de la graine de moutarde qui dépasse toutes les plantes potagères nous permettent de comprendre l’importance de regarder au rythme du Seigneur. Dans la Parole de Dieu, nous savons trouver des conseils et des témoignages, mais c’est d’abord une promesse qui nous est faite. Je sais bien que nous avons quelques réticences à accueillir des promesses, tant les promesses humaines peuvent être décevantes. Mais la Parole de Dieu est la promesse de Dieu, pas une promesse électorale ! Elle nous ouvre un futur qui n’est pas une illusion mais un engagement. On dit parfois, avec une certaine condescendance, que l’espoir fait vivre, pourtant c’est bien l’espoir qui s’appuie sur la parole de Dieu qui doit être le moteur de notre vie. S’attacher au présent, préférer « un tiens que deux tu l’auras », c’est s’interdire l’espoir et donc se condamner au désespoir. La première conversion à laquelle nous sommes invités c’est de garder les yeux fixés sur le Royaume de Dieu qui reste à venir et vers lequel nous cheminons dans la foi.
Cela signifie qu’il nous faut passer aussi de la maîtrise à la confiance. Nous ne cheminons pas dans la claire vision, disait saint Paul, et dans la parabole du semeur, Jésus rappelle que la semence germe et grandit, on ne sait comment. Se fixer sur l’avenir, c’est accepter que nous n’en soyons pas le maître, mais faire confiance à Dieu pour le conduire, comme il faut, plutôt que comme nous voudrions. On est bien souvent comme cet homme qui trouvait que les carottes ne poussaient pas assez vite et qui tirait dessus pour les faire grandir. Dans la prière, faire confiance au Seigneur, ce n’est pas lui donner un cahier des charges ou une feuille de route, c’est se remettre entre ses mains, c’est se laisser entrainer par des chemins que nous n’aurions pas choisis, c’est accepter que nos projets soient bouleversés. La foi n’est pas une idée, mais une confiance concrète qui sait que Dieu fait tout contribuer au bien de ceux qui l’aiment. Notre ambition, disait encore saint Paul, c’est de plaire au Seigneur. Mais ce n’est pas nous qui décidons ce qui plait à Dieu ! C’est la deuxième conversion à laquelle nous sommes invités : faire confiance au Seigneur pour nous conduire jusqu’au cœur de son cœur.
Enfin, il y a un troisième renversement lorsqu’on vit à l’horizon du Royaume. Il faut renoncer à attendre du futur qu’il soit conforme au présent, pour ajuster le présent au futur. Celui qui plante un arbre trop près de sa maison, va se trouver bien embarrassé lorsque l’arbre aura grandi. Vivre tourné vers l’avenir, ce n’est pas se projeter, c’est anticiper. C’est le futur qui commande et non le présent. Quand saint Paul parle du tribunal du Christ, ce n’est pas pour nous faire peur, mais pour que nous réalisions à quel point ce que nous serons dépend de ce que nous sommes. Celui qui veut moissonner du blé ne va pas semer de l’orge. C’est maintenant que nous préparons la vie éternelle. Si nous voulons demeurer près du Seigneur, c’est dès maintenant que nous devons chercher à nous en rapprocher. On n’attend pas le Royaume en restant sans rien faire, mais en le préparant ; à notre rythme sans doute, selon ce que nous pouvons certainement, mais toujours en fonction de ce que nous espérons.
La parole de Dieu nous rappelle aujourd’hui que notre avenir, c’est l’éternité. Nous sommes invités à passer du désir à l’espoir, de la maîtrise à la confiance, de la projection à l’anticipation.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle tourne nos yeux vers ce que le Seigneur nous promet. Etoile du matin qu’elle guide nos cœurs dans la confiance en Dieu. Trône de la Sagesse qu’elle transforme nos vies pour que nous puissions déjà demeurer en Lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Notre place devant Jésus
10TOB
10° Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Gn 3,9-15 ; Ps 129 ; 2 Co 4,13-5,1 ; Mc 3,20-35
Nous entrons dans les dimanches du temps ordinaire, de manière un peu rude. Mais après tout, n’est-ce pas aussi, dans l’évangile de Marc, le début du temps ordinaire de Jésus et de ses apôtres ? L’évangéliste vient à peine d’évoquer le choix des Douze et voilà qu’il nous donne à voir un enthousiasme exubérant de la foule – puisqu’il y a tellement de monde qu’on ne peut même pas manger – en même temps qu’une suspicion cruelle de la famille du Seigneur comme des autorités du pays.
D’abord il y a donc « les gens de chez lui » qui veulent se saisir de lui car ils pensent qu’il a perdu la tête. Ce qui est étonnant c’est que pour saisir Jésus, ils restent dehors et le font appeler. Ce qui est triste c’est que ceux qui connaissent le mieux Jésus le considèrent comme fou, c’est-à-dire qu’ils le connaissent mal ! Leur attitude est significative : ils estiment que c’est Jésus qui doit les rejoindre et non pas eux qui doivent le rejoindre. C’est le piège qui guette les relations familiales ou familières : on a du mal à se laisser étonner par l’autre ! On enferme l’autre dans ce qu’on sait de lui, au lieu de rester disponible à se laisser surprendre. Et nous, qui essayons d’être fidèles au Seigneur, qui comme chrétiens sommes aussi de la famille de Jésus, est-ce que nous ne sommes pas tentés parfois de limiter l’évangile à ce que nous comprenons, à ce dont nous avons l’habitude ? Chaque fois que nous pensons que c’est à Dieu de nous rejoindre au lieu d’essayer de rejoindre Dieu, nous nous égarons. C’était d’ailleurs la situation d’Adam au jardin des origines. Il se cachait du Seigneur, c’est donc le Seigneur qui a dû le chercher.
Ensuite, il y a les scribes descendus de Jérusalem. Ce sont des savants. Ils connaissent beaucoup de choses, mais par les paroles de Jésus on comprend vite qu’ils se trompent lourdement. Ce n’est pas parce qu’on connait beaucoup de choses, qu’on connait tout ! Mais ce qu’il y a de pire, c’est qu’ils confondent l’Esprit Saint avec un esprit impur. Jésus est très sévère envers eux : « si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon ». C’est un avertissement qui doit nous faire trembler ! Méfions-nous des connaissances qui conduisent à l’arrogance plutôt qu’à l’humilité. En matière spirituelle la seule assurance qui vaille est celle qui s’appuie sur le Seigneur et non pas sur nous ou sur ce que nous pensons savoir. « Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup en rapproche » disait Pasteur. Le discernement est une école d’humilité. « Notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas » disait saint Paul dans la lettre aux Corinthiens. Et pour regarder ce qui ne se voit pas, il n’y a pas d’autres solutions que d’écouter la Parole du Seigneur
Et c’est bien ce que font ceux que Jésus désigne comme sa mère et ses frères. Ceux qui l’entourent, qui sont assis en cercle autour de lui et qui l’écoutent. Eux qui font la volonté de Dieu parce qu’ils se laissent instruire, et qu’ils se laissent surprendre. Ils accueillent le Seigneur avec confiance et non pas avec suspicion, ils le rejoignent et l’entourent au lieu de vouloir se saisir de lui en restant au-dehors. Dans la scène que nous présente l’évangile, c’est à cette place que nous devons être. Dans la confiance et la disponibilité et non pas la distance et le jugement. Dans la vie spirituelle nous devons veiller à rester à notre place devant le Seigneur, sans le confisquer pour rester dans le confort de nos habitudes, sans prétendre savoir ce qui nous dépasse.
Que la Vierge Marie, elle qui a toujours fait la volonté de Dieu, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse qu’elle nous rende disponibles à la Parole du Seigneur. Porte du Ciel qu’elle nous apprenne à reconnaître l’œuvre de l’Esprit Saint. Mère du Sauveur qu’elle fasse battre nos cœurs au rythme du Cœur de Dieu pour que nous puissions demeurer avec lui, comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
L'Eucharistie renverse la relation à Dieu
CSXB
le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ - année B
Ex 24,3-8 ; Ps 115 ; He 9,11-15 ; Mc 14,12-16.22-26
Chaque année, après la Pentecôte, trois grandes fêtes viennent comme en ricochets du don de Dieu, nous inviter à contempler le mystère de l’amour divin. Dimanche dernier c’était la Trinité, vendredi prochain, le Sacré Cœur, et aujourd’hui – puisque la fête Dieu n’est pas fériée dans notre pays – nous célébrons le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Les textes qui nous sont proposés cette année insistent sur le sang de l’Alliance. Et il faut bien avouer que cela ne nous est pas très familier ; et même, pour être honnête, la dimension sanguinolente et sacrificielle a quelque chose de révoltant pour la mentalité contemporaine. Pourtant si nous acceptons de ne pas nous laisser arrêter par les aspects un peu dérangeants des textes que nous avons entendus, nous pourrons découvrir trois renversements qui nous permettrons de mieux nous étonner de l’amour de Dieu.
D’abord nous avons entendu le récit de l’Exode qui rapportait la conclusion de l’Alliance entre Dieu et le peuple au temps de Moïse. Banal rituel archaïque ? Bien au contraire ! Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que Dieu propose une alliance à son peuple. Normalement une alliance est demandée par la partie qui se sent la plus vulnérable. C’est le faible qui propose au fort se s’allier. Eh bien ici, l’initiative est renversée : c’est le fort qui propose l’alliance au faible. Cette alliance n’apporte pas à celui qui la propose mais à celui qui l’accepte ! L’initiative n’est pas intéressée, puisqu’elle vient du Seigneur. C’est un premier aspect auquel nous devons veiller dans notre relation à l’eucharistie : ce n’est pas nous qui avons l’initiative, c’est Dieu. Si nous voulons vivre correctement le mystère du Corps et du Sang du Christ, nous devons nous rappeler que c’est une proposition du Seigneur avant d’être notre décision. Ce n’est pas un droit à conquérir, mais un don à recevoir.
Ensuite nous avons entendu l’enseignement de la lettre aux Hébreux qui détaille tout ce qu’il peut y avoir de nouveau dans le sacrifice du Christ. Parmi ces nouveautés, peut-être n’avons-nous pas remarqué ce renversement étonnant : « son sang nous purifie pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant ». Normal ? Pas du tout, parce que normalement c’est le culte qui permet le salut, et non pas le salut qui permet le culte ! On pense qu’il faut rendre des honneurs à Dieu pour s’attirer sa bienveillance, alors que la Parole nous révèle que c’est sa bienveillance qui nous permet de lui rendre honneur. Ce qui pose immédiatement une question par rapport à l’Eucharistie. Humainement nous pensons que la messe est le culte que nous rendons à Dieu, alors qu’elle est ce qui nous permet de rendre un culte au Dieu vivant … Quel est alors ce culte ? Ce que nous faisons de l’eucharistie … D’une certaine manière, c’est en sortant de l’église que commence le culte au Dieu vivant. Et l’on comprend alors que l’Eucharistie n’est pas une fin ou une parenthèse, mais un début et un envoi. C’est d’ailleurs le sens originel du mot « messe » qui signifie « mission ».
Enfin nous avons entendu le récit du repas du Seigneur dans l’évangile de saint Marc. Méfions-nous de croire que nous n’avons rien à y découvrir sous prétexte que nous le connaissons par cœur. Il y a donc là encore un renversement ? Sans aucun doute ! Jésus est là, au milieu de ses disciples, assis avec eux et bien présent puisqu’il préside le repas. Et voilà qu’il dit « ceci est mon corps » « ceci est mon sang ». Bien sûr nous savons qu’il y a quelque mystère puisqu’il est toujours là avec son corps dans lequel circule son sang. Mais le renversement consiste en ce que l’invisible donne du poids et du sens à ce qui se voit, alors que nous avons l’habitude que le visible donne du poids et du sens à ce qui ne se voit pas. Si je dis à quelqu’un que je l’aime mais que je ne fais rien, on a tout lieu de croire que je ne l’aime pas vraiment. C’est en faisant des choses qui se voient que j’exprime ce qui ne se voit pas. Mais dans l’eucharistie, c’est le contraire … J’ai beau multiplier les gestes de dévotions qui se voient, si mon cœur, qui ne se voit pas, ne s’unit pas au Seigneur, la communion n’est qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. Dans l’eucharistie, la forme ne suffit pas, c’est notre disposition intérieure qui compte.
Il y aurait bien sûr, encore beaucoup d’autres choses à dire, mais déjà nous pouvons contempler ce triple renversement qui nous dévoile combien l’Eucharistie change notre relation à Dieu, pour vérifier que nous aimons dans le bon sens. C’est Dieu qui prend l’initiative de l’Alliance et nous devons réaliser à quel point il est premier dans l’eucharistie. C’est le salut qui permet le culte et nous devons réaliser combien la communion est un appel à honorer Dieu par toute notre vie. C’est le mystère qui se manifeste, et nous devons veiller à habiter ce que nous faisons pour le vivre au plus intime de nous-mêmes.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle nous apprenne à accueillir le don de Dieu. Porte du Ciel, qu’elle nous montre comment déployer ce que nous avons reçu. Mère du Bel Amour, qu’elle nous accompagne dans le grand mystère qui nous est partagé, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.