L'escalier vers Pâques
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5° Dimanche de Carême - Année B
Jr 31,31-34 ; Ps 50 ; He 5,7-9 ; Jn 12,20-23
Maintenant que nous sommes bien avancés dans le Carême, les textes de la liturgie de la Parole se font plus denses … et peut-être aussi plus rudes ! Il y a tellement de choses dans l’évangile que nous venons d’entendre que l’on serait facilement tentés de n’en prendre qu’une partie, ou de pratiquer des méthodes savantes d’analyse pour le diviser en plusieurs enseignements selon ce qui nous parait cohérent. Un peu comme si l’on choisissait d’admirer un collier en regardant les perles les unes après les autres. Pourtant il serait dommage de renoncer à profiter de l’ensemble : l’intérêt d’un escalier n’est-il pas supérieur au simple enchaînement des marches ? Engageons-nous donc dans la traversée de ce texte pour voir où et comment il nous conduit.
D’abord il y a l’épisode des Grecs, c’est-à-dire des juifs de la diaspora qui venaient se ressourcer à Jérusalem à l’occasion de la Pâque. Leur demande paraît sympathique : « nous voulons voir Jésus ». N’est-ce pas un désir honorable ? Pourtant on comprend vite qu’il y a quelque chose qui ne va pas : ils demandent à Philippe, qui demande à André, qui le dit à Jésus … qui ignore complétement et parle de tout autre chose ! Comme si cette cascade d’intermédiaires digne de la meilleure administration restait vaine. De multiples épisodes de l’évangile montrent bien que Jésus n’était pas inaccessible. Il n’y avait pas besoin d’être recommandé pour le rencontrer. C’est la première marche de cet escalier : la simplicité. Le Seigneur ne se donne pas dans la complexité du monde, mais dans la simplicité de sa présence. C’est un mouvement qu’annonçait Jérémie dans la première lecture : la nouvelle alliance sera plus simple, la loi sera inscrite dans les cœurs, il n’y aura plus besoin de rechercher des maîtres. Dieu se rend accessible dans la miséricorde.
Ensuite il y a l’enseignement du grain de blé. Manifestement, celui-ci est destiné à ceux qui veulent être proches de Jésus et il les invite à suivre la dynamique qui se déploie dans le mystère de Pâques : celle du don et de la générosité. C’est en perdant qu’on gagne, c’est en mourant qu’on vit en plénitude. Cela peut paraître paradoxal, bien différent de la logique du monde qui est une logique de possession et d’accumulation. Et pourtant c’est la logique de Dieu parce que c’est la logique de l’amour. C’est la deuxième marche que nous sommes invités à franchir : celle du détachement généreux, celle que Jésus lui-même franchit. Comme le dit l’auteur de la lettre aux Hébreux : « il apprit par ses souffrances l’obéissance ». Ce n’est donc pas la marche la plus tranquille, et les contrariétés de la vie pourraient facilement nous en détourner, alors qu’elles sont autant d’occasions de la gravir.
Enfin, il y a la prière de Jésus, bouleversant dialogue avec le Père qui manifeste le dramatique écart entre la gloire de Dieu et la puissance du monde. Alors que la voix se fait entendre pour la foule, celle-ci s’empresse de la cataloguer dans des explications rassurantes : « c’est un coup de tonnerre », « c’est un ange qui lui parle ». Une explication scientifique, une explication mystique, mais aucune ne correspond à ce qui se passe. Triste occasion manquée, mais surtout révélation de la troisième marche qui nous élève jusqu’au mystère : celle de la foi. Car il s’agit bien de faire confiance au Seigneur, de le choisir en rejetant le prince de ce monde et en se laissant attirer par Celui qui a été élevé de terre. Il ne s’agit plus d’expliquer mais d’écouter, il ne s’agit plus de regarder mais de suivre, il ne s’agit plus d’admirer mais de participer.
Au seuil de la Passion du Seigneur, nous voilà inviter à gravir l’escalier qui nous dispose au Salut par la simplicité, le détachement généreux et la foi. Le carême nous y prépare et nous y entraîne : par le jeûne et les privations nous revenons à l’essentiel ; par l’aumône et le partage nous ouvrons nos cœurs et nos mains ; dans la prière persévérante la contemplation nourrit notre confiance. Ne relâchons pas nos efforts, mais engageons-nous résolument à la suite du Christ, pour l’accompagner et le servir, en nous laissant attirer par lui.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle nous rende disponibles à sa présence ; Mère du Bel amour qu’elle fasse battre nos cœurs au rythme de son cœur ; Etoile du matin qu’elle soutienne notre espérance pour que nous demeurions en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Chasser les marchands de nos temples
3CAB
aujourd'hui, pas de prédication … on en profite pour fouiller dans les cartons et retrouver les archives. Après tout la Parole de Dieu est la même aujourd'hui qu'il y a 15 ans !
3eme dimanche de Carême - année B
Ex 20, 1-17 ; Ps 18 ; 1 Co 1,22-25 ; Jn 2,13-25
Dans notre chemin de Carême – et nous sommes maintenant pratiquement à la moitié de celui-ci – l’évangile nous montre Jésus en train de chasser les marchands du Temple. C’est un passage assez connu (sans doute parce qu’il est atypique : on n’a pas beaucoup l’habitude de voir Jésus se mettre en colère ! )
Essayons de comprendre le message de ce texte. Le temple c’est la maison de Dieu, c’est le lieu où l’on peut rencontrer le Seigneur. Or il se trouve que les marchands s’étaient installés là pour faciliter la rencontre, puisqu’on trouvait de quoi acheter tout ce qu’il faut pour faire les sacrifices (les animaux, mais aussi les pièces spéciales qui avaient cours seulement dans le Temple). Au départ il s’agit d’un service, mais voilà que ce service s’est transformé en trafic, ce qui était initialement rencontre avec Dieu est devenu le lieu de discussion, d’échanges entre les hommes.
Aujourd’hui, nous savons que nous pouvons rencontrer Dieu ailleurs qu’au Temple de Jérusalem. Notre Temple, c’est le Corps du Christ ressuscité, ce corps du Christ que nous recevons lorsque nous communion, ce corps du Christ qui est présent quand deux ou trois sont réunis en son nom … Mais nous continuons de lire ce texte parce qu’il nous prévient le danger qui nous guette de nous laisser à nouveau envahir par les marchands. Rappelez-vous ce que dit la fin de l’Evangile : beaucoup crurent en Jésus, mais lui n’avait pas confiance en eux, parce qu’il connaît le cœur de l’homme. Alors, est-ce que Jésus peut nous faire confiance ? Examinons les différents lieux où nous rencontrons Dieu et vérifions que nous ne les avons pas transformés en lieu de trafic.
Le premier lieu où nous rencontrons Dieu, c’est la prière. La prière que nous faisons, seul dans notre chambre, dans le secret de notre cœur, ou bien la prière que nous faisons ensemble à l’Eglise par exemple. Si nous n’y faisons pas attention, cette prière peut devenir un lieu de trafic. Quand nous prions seulement pour demander quelque chose et jamais pour remercier, notre prière n’est pas un acte d’amour, mais un acte de commerce, presque de chantage : je vais dire tant de Notre Père et tu me donneras tel ou tel résultat ! Comme si nous achetions à Dieu le cadeau qu’il veut nous faire, ou plutôt celui que nous voudrions avoir. L’un des signes que notre prière est encombrée par les marchands, c’est que nous parlons plus que nous n’écoutons. Alors nous sommes invités à faire un effort de prière.
Le deuxième lieu où nous rencontrons Dieu, c’est le cœur de notre cœur, c’est nous-mêmes, notre intelligence et notre esprit. Dans une de ses lettres Saint Paul nous dit : « ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de l’Esprit ? » Mais là aussi nous pouvons être encombrés par un tas de marchands, par plein de trafics ! Le signe que nous sommes encombrés et que nous ne rencontrons plus Dieu en nous, c’est que nous devenons esclaves de nos passions, de nos besoins. Nous ne nous appartenons plus : c’est la nourriture, ou la télé, ou les jeux, ou les habits, ou le tabac qui commandent … Voilà pourquoi, nous sommes invités à chasser les marchands du cœur de notre cœur par un effort de jeûne et d’abstinence, de sobriété dans nos vies.
Le troisième lieu où nous rencontrons Dieu, ce sont les autres. « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites » dit Jésus. Mais là aussi nous pouvons laisser envahir ce Temple par les trafics. C’est ce qui arrive chaque fois que nous utilisons les autres à notre service, sans les respecter, comme si ce n’était que des objets un peu plus sophistiqués. Le signe que les marchands ont envahi le temple que sont les autres, c’est que nous préférons recevoir ou prendre, plutôt que donner et servir. Voilà pourquoi, pendant le temps du carême nous sommes invités à chasser ces marchands par un effort de partage.
Par la prière, par les privations, par le partage, nous sommes invités à chasser les marchands du temple dans nos vies, nous sommes invités à refaire le geste de Jésus, non pas physiquement avec des cordes, mais spirituellement. Que l’Esprit Saint qui a guidé Jésus et qui nous a été donné lors de notre baptême nous aide à nous purifier de nos trafics, pour que nous puissions vraiment rencontrer Dieu … même si cela apparaît parfois comme folie ou comme faiblesse, mais en vérité il s’agit de se laisser guider par la puissance de Dieu et par la sagesse de Dieu, car « la folie de Dieu est plus sage que l’homme et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme ».