Nous ne sommes pas seuls
TSST
Solennité de Tous les Saints
(Ap 7,2-4. 9-14 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a)
Si le confinement a déjà commencé, nous pouvons encore nous retrouver ce matin pour célébrer l’eucharistie avant de nous plonger une nouvelle fois dans un jeûne cultuel qui doit nous mener, dans le meilleur des cas jusqu’à l’Avent, et dans le pire … on verra bien. Ainsi c’est par la fête de la Toussaint que nous sommes introduits à une nouvelle période d’épreuve et d’isolement. Hasard ou providence ? Il est toujours délicat d’interpréter l’histoire, surtout sur le moment. Je ne saurais pas dire si Dieu a voulu ou permis cette situation, en revanche elle peut nous inspirer pour vivre les jours à venir.
La Toussaint est d’abord le souvenir de tous ceux qui nous ont précédés : ils nous précèdent non seulement dans l’histoire mais aussi dans le cœur de Dieu. Comme dans l’Apocalypse, nous voilà plongés dans la vision de cette foule immense qui se tient devant le Trône et devant l’Agneau. La première parole qui retentit pour nous aujourd’hui, c’est que nous ne sommes pas seuls. Nous ne sommes pas seuls à chercher le royaume et innombrables sont ceux qui l’ont trouvé ; nous ne sommes pas seuls à vouloir suivre le Christ et innombrables sont ceux qui nous accompagnent ; nous ne sommes pas seuls à marcher vers la lumière dans l’obscurité de la foi ou les difficultés de la vie, et innombrables sont ceux qui nous soutiennent et qui peuvent nous aider dans la prière et la charité. La Toussaint nous invite à plonger dans cette communion des saints qui nous rappelle que même privés de nos relations habituelles, nous sommes accompagnés d’une multitude invisible. C’est une invitation à être attentifs à cette sociabilité spirituelle qu’aucune mesure sanitaire ne peut empêcher.
La Toussaint est aussi le rappel de notre propre vocation à la sainteté. Nous sommes attendus dans cette foule immense qui est passée par la grande épreuve, et comme le disait saint Jean dans la deuxième lecture, nous serons semblables au Seigneur car nous le verrons tel qu’il est. C’est donc une parole d’espérance : il ne faut pas vivre à l’horizon du moment, mais à celui de l’éternité. Dans les béatitudes, Jésus invite aussi à cette espérance. Ceux qui sont heureux, ce ne sont pas ceux pour qui tout va bien mais ceux à qui tout est promis. Il ne nous demande pas de sécher nos larmes, de taire notre faim et soif de la justice, ou d’éviter les insultes et les calomnies, bien au contraire il nous invite à creuser en nous le désir de Dieu. Quand, dans le Notre Père, nous prions « que ton règne vienne » ne croyons pas qu’il s’agisse d’une flatterie servile pour amadouer celui à qui nous voulons demander ensuite une faveur. C’est déjà une demande pour nous car nous avons tout à gagner du Règne de Dieu, et nous devrions être impatients que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel. La Toussaint nous invite à rester fermes dans l’espérance, qui n’est pas l’attente d’un nouveau décret gouvernemental mais le désir de la gloire qui nous est promise.
Enfin la Toussaint est la célébration de ce grand mystère de sainteté, c’est-à-dire de la présence de Dieu. Nous ne sommes pas seuls parce que tous les saints nous entourent, mais aussi parce que Dieu est présent. Les béatitudes nous révèlent que quoique nous vivions, cela peut toujours nous rapprocher de Dieu. Si nous nous sentons inutiles puisque notre activité n’a pas été jugée essentielle à la vie de notre pays, gardons cette pauvreté de cœur qui permet de compter sur le Seigneur plutôt que sur nos propres forces. Dans l’adversité, gardons cette douceur qui triomphe de toute violence comme l’a prouvé le mystère de Pâques. Vivons la miséricorde pour découvrir le cœur de Dieu. Purifions nos regards et nos pensées pour voir sa présence et son action. Ne négligeons aucun moyen pour favoriser la paix, car c’est à cela qu’on reconnaît les fils de Dieu. C’est la troisième parole qui nous est donnée pour ces semaines : le Seigneur est avec nous, et quoiqu’il arrive nous pouvons toujours être avec lui.
Nous pouvons être contrariés par les événements. Nous avons le droit d’être inquiets pour nous, nos proches et pour notre pays. Mais nous avons le devoir de ne pas nous laisser submerger par la peur, bien au contraire plongeons au cœur de cette communion des saints que nous célébrons aujourd’hui. Nous ne sommes pas seuls : guidés, entourés et aidés par la foule innombrable rassemblée dans le cœur de Dieu, vivons dans l’espérance de rejoindre ceux qui nous attendent, restons attentifs à la présence de Celui qui nous accompagne.
Que Notre Dame, avocate des Toulonnais nous aide à entendre la parole de Dieu qui retentit en cette fête de la Toussaint pour qu’elle résonne en nous tout au long de ces jours. Reine des Saints qu’elle nous apprenne à habiter déjà la cité du ciel. Etoile du matin qu’elle nous guide vers la gloire qui nous est promise. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous permette de demeurer en présence du Seigneur pour que nous puissions resplendir de son amour dès maintenant et pour les siècles des siècles.