Rester fidèle par la conversion
26TOA
26° dimanche du Temps Ordinaire - Année A
Pour une fois, on ne peut pas dire que Jésus fasse dans la subtilité ! La morale de l’histoire qu’il propose est désarmante d’évidence. Vaut-il mieux refuser et faire ou accepter et ne pas faire ? C’est un peu comme si l’on demandait s’il vaut mieux être riche et bien portant ou pauvre et malade !
La première lecture semble apporter une précision d’importance. Le prophète Ézéchiel compare lui aussi deux situations : le juste qui finit par commettre le mal et le méchant qui finit par pratiquer la justice. C’est un peu le même scénario que les deux fils du maître de la vigne, mais on comprend qu’il ne s’agit pas simplement de dire ou de faire, mais surtout d’aller jusqu’au bout de l’histoire. Il ne suffit pas de bien commencer, il faut encore bien finir. Et la nuance n’est pas négligeable. Nous avons tendance à penser les choses dans l’instant, alors que nous vivons dans la durée. Certes on peut apprécier une bonne action et détester une mauvaise, mais pour juger une personne – si tant est que ce soit à nous de juger – il vaut mieux attendre la fin. Puisqu’on est dans les évidences : rappelons-nous que tant qu’une histoire n’est pas finie, elle n’est pas terminée ! C’est à la fois une source d’espérance, parce que cela permet de se repentir, de réparer et de s’améliorer ; mais c’est aussi une exigence, parce que cela implique d’être vigilant et persévérant pour ne pas s’endormir sur nos lauriers et croire qu’après avoir coché la case, il n’y a plus rien à faire. A ce propos, il y aurait beaucoup à méditer sur le fait que l’on pense plus souvent la foi en termes de croyances qu’en terme de fidélité.
Pourtant il ne faudrait pas se limiter à la parabole : Jésus explique ensuite comment celle-ci s’applique aux grands prêtres et aux anciens. « Les publicains et les prostituées ont cru à la parole de Jean Baptiste, mais vous-mêmes vous ne nous êtes pas repentis ». Ce qui est en jeu ce n’est donc pas d’abord de savoir qui a fait ce qu’il fallait, mais de savoir si l’on est capable de changer. C’est pour ça que Jésus raconte l’histoire des deux fils : pour montrer l’importance du repentir, c’est-à-dire du changement. Pourquoi les grands prêtres et les scribes ne se sont pas repentis à la prédication de Jean Baptiste ? On peut imaginer qu’ils pensaient que c’était normal que les publicains et les prostituées changent de vie, mais qu’eux-mêmes n’avaient pas besoin de changer ! Pourtant, voilà le visage de la fidélité que le Seigneur nous demande : la disponibilité à nous convertir. On retrouve ici le conseil que donne saint Paul aux Philippiens : « Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes ». Si nous pensons que nous sommes parfaits, que nous n’avons aucun progrès à faire, que nous n’avons qu’à faire ce que nous avons toujours fait, alors nous pouvons être sûr que nous ne ferons pas la volonté du Père et que nous nous éloignerons de la justice qui conduit au Royaume de Dieu.
Quand on parle de conversion, on pense souvent à des retournements spectaculaires, comme le chemin de Damas de saint Paul, ou la rencontre de Charles de Foucauld avec l’abbé Huvelin. Pourtant il y a d’autres conversions plus discrètes mais non moins importantes, par exemple celle de Thérèse de Lisieux qui sèche ses larmes pour vivre le soir de Noël dans la simplicité de la joie. Et les uns comme les autres ont vécu d’autres conversions qu’on ne raconte pas, mais qui ont construit leur fidélité. Même après une conversion spectaculaire, il y a toujours des conversions ordinaires : ce qu’on accepte de faire pour rendre service ou pour faire plaisir, les renoncements inconnus et les consentements ignorés ; les changements liés à une situation ou à des événements, les engagements tenus lorsqu’on a envie de tout envoyer balader … toute la vie peut être l’occasion de se convertir, c’est-à-dire de se rendre disponible à la volonté du Père, même quand dans un premier temps on ne voulait pas.
Comment reconnaître un point sur lequel on peut se convertir ? Les deux fils peuvent nous inspirer le discernement : revenir sur ce qu’on a refusé ou faire ce qu’on a accepté. Mais dans la parabole le personnage le plus important, c’est le Père. Parce que c’est toujours en réponse à la demande de leur père que les fils se déterminent. C’est l’appel du père que le premier refuse et que le second accepte ; mais c’est aussi la volonté du père que le premier finit par faire et que le second ne fait jamais. Aussi c’est bien par rapport à la parole de Dieu que nous devons examiner nos vies : qu’est-ce que nous avons refusé au Seigneur ? qu’est-ce que nous lui avons promis ?
Que Notre Dame, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Vierge Fidèle, qu’elle soutienne notre persévérance pour que nous puissions demeurer fermes dans la foi. Refuge des Pécheurs qu’elle guide notre repentir pour que nous puissions progresser dans l’espérance. Mère du Bel Amour, qu’elle nous accompagne dans l’humilité pour que nous acceptions les conversions qui nous feront grandir dans la Charité et qu’ainsi nous demeurions en Dieu comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Guetteurs du coeur de Dieu
23TOA
23° dimanche du Temps Ordinaire - Année A
« Je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël » c’est par ces mots que le Seigneur explique à Ezéchiel ce qu’il attend de lui. Et la description plus concrète de cette mission de guetteur ressemble étrangement à ce que Jésus demande à ses disciples : « tu avertiras le pécheur de changer de comportement : s’il t’écoute, tant mieux pour vous deux ; s’il refuse de t’écouter, tant pis pour lui ! » Ainsi, peut-on considérer que le Seigneur nous demande à nous aussi d’être en quelque sorte des « guetteurs de son cœur ». Voyons ce que cela implique.
Un guetteur doit avoir plusieurs qualités. D’abord il doit avoir une bonne vue, ensuite il doit rester vigilant, enfin il doit pouvoir se faire entendre pour transmettre et avertir de ce qu’il a vu. S’il ne voit rien, s’il ne fait pas attention ou s’il ne peut pas communiquer, il ne sert pas à grand-chose.
Avoir une bonne vue, pour le guetteur du cœur de Dieu, ce n’est évidemment une question physique. La vue dont il s’agit, c’est la connaissance de ce Dieu attend. Si on ne sait pas ce qu’est un péché, on ne peut pas avertir celui qui le commet ! Ainsi la première chose que nous devons rechercher, c’est la connaissance de la volonté de Dieu. Et pour cela le Seigneur nous a donné sa parole. Il ne nous suffit pas de nous appuyer sur nos émotions ou sur nos idées, il faut que nous nous laissions façonner par la parole de Dieu pour penser comme Dieu pense, pour ressentir ce que Dieu ressent. Le prophète Jérémie prenait l’image du potier qui façonne l’argile. Le potier c’est le Seigneur, et l’argile c’est nous. En lisant la parole de Dieu, en nous laissant guider et transformer par elle, notre cœur se modèle de plus en plus à l’image du cœur de Dieu. Ça ne se fait pas en un instant, ça prend du temps et nous devons développer en nous cette intimité, cette passion pour la Parole.
Mais le guetteur aura beau avoir une bonne vue, s’il ne regarde pas il ne verra rien. Il lui faut donc cette vigilance qui fait le bon guetteur, celui qui ne se laisse pas distraire. Comment pouvons-nous garder cette vigilance du cœur de Dieu ? Par la prière qui maintient notre cœur en éveil. Mais la parole de Jésus nous avertit : la prière n’est pas une affaire purement personnelle : « si deux d’entre vous se mettent d’accord », « quand deux ou trois sont réunis en mon nom ». La prière se déploie en plénitude dans la communion. Bien sûr il y a une dimension personnelle dans la prière, mais si nous croyons que cela suffit nous sommes dans l’illusion. Celui qui pense retrouver Dieu sans jamais rejoindre les autres ne fait que se retrouver lui-même. C’est la raison pour laquelle nous nous retrouvons dans l’église pour célébrer ensemble les mystères du Seigneur : la liturgie est la source et le sommet de la vie spirituelle, c’est elle qui nous évite de nous endormir.
Pourtant il y a encore une troisième attitude à développer pour être guetteur du cœur de Dieu, c’est la capacité à se faire entendre. Celui qui reste dans sa tour d’ivoire sans partager ce qu’il a découvert ne sert pas à grand-chose. Pourtant celui qui prétend donner des leçons sans les pratiquer lui-même n’est pas plus audible. Saint Thomas d’Aquin remarquait qu’il était difficile de reprocher un péché à quelqu’un si l’on commet soi-même ce péché ou des péchés plus graves. Jésus parlait de la paille et de la poutre. Aussi devons-nous être attentifs à pratiquer ce que nous croyons, et comme dit Saint Paul, l’accomplissement de la Loi, c’est l’amour. C’est bien l’amour de charité qui achève de faire de nous les guetteurs que le Seigneur attend. Dans la correction fraternelle, l’amour se manifeste d’abord dans la discrétion qui est la manière de respecter l’autre, puis dans l’obéissance en acceptant que d’autres vérifient ce que nous prétendons, enfin dans la justice pour que ça ne soit pas une affaire de personnes ou d’émotions mais de vérité. Sans l’amour, le prophète est un idéologue, un moraliste ou une mouche du coche : c’est l’amour qui fera de nous d’authentiques guetteurs du cœur de Dieu.
« Ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ». Si nous voulons vraiment que s’accomplisse en nous ces paroles du Seigneur, nous devons être des guetteurs qui voient bien parce qu’ils se laissent façonner par la Parole de Dieu, des guetteurs vigilants parce qu’ils gardent l’unité dans la prière, des guetteurs efficaces parce qu’ils peuvent partager dans la charité.
Que Notre Dame, avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse, qu’elle dispose nos cœurs à se laisser former par la Parole de Dieu ; Temple de l’Esprit Saint, qu’elle nous garde dans la fidélité à la prière ; Mère du Bel Amour qu’elle nous encourage à aimer toujours plus et toujours mieux, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.