Une prière de pauvre
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30° dimanche du Temps Ordinaire - Année C
La première lecture est une sorte de méditation sur la prière. On pourrait dire que l’auteur commence par contempler le cœur de Dieu, puis il contemple ensuite le cœur des hommes qui se présentent devant Dieu. Et l’on trouve alors cette phrase extraordinaire : « la prière du pauvre traverse les nuées ». Or d’une certaine manière l’évangile vient illustrer cette méditation en présentant deux hommes priant au Temple. Deux hommes très différents qui ont deux attitudes très différentes. Cela peut nous aider à comprendre ce que c’est qu’une prière de pauvre.
D’abord, on comprend facilement que le pauvre qui prie correctement dans l’évangile, c’est le publicain ... donc sans doute le plus riche financièrement ! Ainsi il ne s’agit pas d’une pauvreté économique mais d’une pauvreté de cœur … ça n’est, Dieu merci – si j’ose dire – ni incompatible, ni équivalent.
Quelle est donc cette pauvreté ? Ben Sira poursuit sa réflexion : « tant que la prière n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable ». Voilà un bon indice pour comprendre ce qu’est une prière de pauvre : c’est la prière de celui qui n’a pas d’autres solutions, c’est la prière de la dernière chance. Bien souvent on peut être tenté de faire une prière comme on explore les possibilités : si ça ne marche pas on essaiera autrement. La prière du pauvre c’est au contraire celle qui n’a pas d’alternative, qui n’a pas de solution de secours. C’est la prière qui nous prend tellement aux tripes qu’on la poursuit tant qu’elle n’est pas exaucée, à la manière de la veuve demandant justice au juge inique. Voilà un premier critère pour avoir une prière de pauvre : celle qui est notre dernier recours et dans laquelle on s’investit presque malgré nous.
Ensuite il y avait l’histoire des deux hommes dans le Temple. Là on a un contre-exemple : c’est la prière du pharisien. Elle est formellement parfaite : une action de grâce pour de bonnes et pieuses actions, mais elle est odieuse par la suffisance qu’elle manifeste. C’est une prière à la première personne du singulier qui en profite pour mépriser les autres. Comme si la valeur d’une personne s’établissait par comparaison. Notre ambition spirituelle ne doit pas d’être meilleur ou pire que les autres, mais d’être en vérité devant Dieu. Pour cela, la prière du pauvre est celle qui se concentre sur Dieu. Et vous remarquerez que la prière du publicain est à la deuxième personne. C’est un deuxième critère pour avoir une prière de pauvre : se tourner résolument et exclusivement vers le Seigneur, s’en remettre profondément et radicalement à sa volonté.
Enfin nous avons entendu aussi le témoignage de Paul. D’une certaine manière c’est aussi sa prière et c’est une prière de pauvre. Chacun aura remarqué que le texte est à la première personne du singulier ... ce qui montre que la grammaire n’est pas aussi décisive que le cœur ! Mais c’est surtout une prière de confiance et d’amour. Au lieu de se mettre au-dessus des autres saint Paul les entraîne avec lui : « le Seigneur me donnera la récompense, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront désiré avec amour sa manifestation glorieuse ». Il ne voit pas Dieu en vis-à-vis mais côte-à-côte. Certes tous l’ont abandonné, certes il est tout tourné vers Dieu, mais ça n’est pas par dépit qu’il prie et qu’il espère, c’est par amour qu’il persévère et qu’il se confie. Car il y a un lien entre l’amour et la pauvreté, au sens où aimer ce n’est pas prendre mais donner, et qu’il y a une espèce de dépouillement qui grandit avec l’amour et qui fait grandir l’amour.
Nous voilà donc avec trois critères pour reconnaître une prière de pauvre : c’est une prière qui vient du plus profond de nous, qui est tournée radicalement vers Dieu et qui nous unit toujours plus à lui. Il ne s’agit pas tant de vérifier si l’on est dans de bonnes dispositions : ce serait viser une satisfaction qui pourrait bien conduire à une prétention masquée. Ces critères nous aident surtout à accepter notre situation et à regarder dans quelle direction progresser, car la première manifestation de la pauvreté, c’est de réaliser que tout reste à faire et que la perfection est encore bien loin !
Que la Vierge Marie nous aide à accepter notre pauvreté pour que notre prière puisse traverser les nuées. Vierge patiente, qu’elle nous donne le courage d’abandonner les fausses sécurités pour nous appuyer seulement sur le Seigneur. Miroir de la Sainteté divine, qu’elle tourne nos cœurs et nos vies vers Dieu pour qu’il soit notre seul horizon et notre seul désir. Mère du Bel Amour qu’elle nous accompagne dans le souffle de l’Esprit pour que nous puissions aimer comme nous sommes aimés dès maintenant et pour les siècles des siècles.