la vocation qui libère
NSJB
Nativité de Saint Jean Baptiste
Si l’on fête tous les ans la naissance de Jean-Baptiste, il est plus rare que ce soit un dimanche (la dernière fois c’était en 2012, la prochaine en 2029). C’est l’occasion de fêter plus solennellement celui dont Jésus lui-même disait qu’il fut « le plus grand des enfants des hommes ». Etrange destin de celui qui prépara la venue du Seigneur … mais en vérité il ne faut pas parler de destin, plutôt de vocation. Car c’est bien de vocation dont parlent les textes que nous venons d’entendre
« J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé, quand il a prononcé mon nom ». Ces paroles d’Isaïe, s’appliquent à Jean Baptiste … mais elles s’appliquent en fait à toute vocation. Vocation de chrétien, vocation d’état de vie, vocation professionnelle ou d’engagements, il nous faut découvrir cet amour de Dieu qui s’attache à nous dès nos premiers instants, avant même notre naissance. Découvrir que Dieu s’intéresse à nous non pas pour ce que nous avons fait, mais pour ce que nous sommes ; découvrir que Dieu ne voit pas en nous une personne comme les autres, mais une personne parmi les autres, pour les autres. Il nous propose un rôle spécifique et unique. Ce rôle, il ne nous l’impose pas … nous pouvons toujours décider de conduire notre vie comme nous l’entendons … mais nous pouvons aussi y consentir en déployant ce que le Seigneur nous confie et ressentir la profonde harmonie entre ce que nous sommes et ce que le Seigneur attend de nous.
Si nous acceptons cette vocation, alors s’opèrent trois libérations. La première est évoquée dans l’évangile : à sa naissance, les gens voulaient l’appeler comme son père, mais Elisabeth comme Zacharie refusent cette fatalité historique : « il s’appellera Jean » et tant pis si personne dans la famille ne porte ce nom-là ! C’est la première liberté que donne la vocation : on n’est pas obligé de faire comme on a toujours fait, il n’y a pas de fatalité. La vocation nous permet de réaliser que nous ne sommes pas un projet parental ou familial … nous sommes ce que Dieu attend. Et c’est une bonne indication aussi pour les parents et éducateurs chrétiens : ne pas enfermer les enfants dans nos aspirations ou nos habitudes mais reconnaître l’appel de Dieu en eux.
La deuxième libération est évoquée par Paul dans son discours à Antioche de Pisidie. Il cite les paroles de Jean Baptiste lui-même « ce que vous pensez que je suis, je ne le suis pas ». Admirable liberté du prophète qui ne se laisse pas enfermer par l’opinion publique. Même quand celle-ci est bienveillante et plutôt flatteuse ! Dans la vocation ce ne sont pas les autres qui décident : la vocation nous libère de l’image que nous avons ou que nous voulons avoir, il ne s’agit pas de se conformer à la pression sociale et de faire comme tout le monde, mais de suivre la parole de Dieu qui nous guide plus surement que les enthousiasmes ou les déceptions ! Et là encore, c’est une précieuse indication pour nos relations : acceptons que les autres ne soient pas ce que nous pensons qu’ils sont … mais essayons plutôt de découvrir ce que le Seigneur fait en eux.
Enfin la troisième libération nous est révélée dans la fin du texte d’Isaïe. Le prophète a entendu la vocation, elle est belle : « en toi je manifesterai ma splendeur » … pourtant il se confronte à des difficultés, et il est tenté de se décourager : « je me suis fatigué pour rien », dit-il. Parce que tous les beaux projets, tous les idéaux, tous les rêves doivent se mesurer à la réalité … Pourtant, face aux difficultés et à la lassitude, le prophète n’abandonne pas, au contraire il reste fidèle : « mon droit subsistait auprès du Seigneur ». Car la vocation n’est pas une réponse une fois pour toute, mais une réponse constamment renouvelée … et c’est dans ce renouvellement constant – de notre baptême, de notre choix de vie, de nos engagements – que la vocation nous libère des obstacles … et ce qui est extraordinaire c’est que par cette fidélité, la vocation s’élargit encore : « c’est trop peu que tu sois mon serviteur » dit le Seigneur « je fais de toi la lumière des nations ». La vocation n’est pas tant un projet, avec des objectifs à atteindre et des résultats à obtenir, elle est l’aventure d’un amour qui donne toujours plus et se donne toujours plus.
Alors, en ce jour où nous fêtons la naissance de Jean Baptiste, reconnaissons notre vocation pour y consentir à nouveau, regardons notre vie : ça n’est pas ce que nous avions imaginé ? Ce n’est pas grave, ce qui compte c’est que ce soit ce que Dieu veut ! Ça n’est pas ce qui s’est toujours fait ? Ce n’est pas grave, ce qui compte c’est que ce soit ce que Dieu demande ! Ça n’est pas ce que les autres pensent ? Ce n’est pas grave, ce qui compte c’est que ce soit ce que Dieu attend ! Ça n’est pas facile ? Ce qui compte c’est que ce soit avec Dieu et pour Dieu
Que la Vierge Marie nous accompagne et nous soutienne pour que nous vivions en réponse à l’appel que Dieu nous adresse depuis toujours. Fille de Sion, qu’elle nous apprenne à hériter d’une histoire sans nous laisser enfermer dans la fatalité des déterminismes. Rose mystique, qu’elle nous aide à prendre notre part dans la société sans nous laisser conduire par les conformismes. Forteresse de David, qu’elle nous encourage à dépasser les inévitables difficultés de la vie pour que chaque obstacle soit l’occasion de renouveler notre vocation et de découvrir la valeur que nous avons aux yeux du Seigneur et prendre la place préparée pour nous dans le cœur de Dieu dès maintenant et pour les siècles des siècles.
Ne pas confondre le bien et le mal
10TOB
10° Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Si nous pensions entrer tranquillement dans le temps ordinaire par la douce somnolence de considérations mystiques, nous voilà bien servis ! Les textes que nous venons d’entendre nous rappellent à de plus concrètes et plus douloureuses réalités, puisqu’ils nous parlent de péché. Bien sûr, en général, quand la Parole évoque le péché c’est surtout pour rappeler le pardon et la miséricorde divine … mais – et c’est assez rare pour le souligner – justement l’évangile nous parle d’un péché impardonnable : le blasphème contre l’Esprit Saint.
On peut dire que, d’une manière générale, un péché résulte d’une grande confusion qui consiste à déclarer bien ce qui est mal. Evidemment, contrairement à la naïveté des idéologies, ce n’est pas parce qu’on décide que quelque chose est bien que ça le devient ! Dans le jardin des origines, l’homme et la femme en font la douloureuse expérience : leur péché rend pénible la rencontre avec Dieu. L’homme commence par se cacher à l’appel du Seigneur : il a peur et honte de lui-même. Ensuite, ils présentent des excuses, qui sont plutôt des circonstances atténuantes : « je me suis laissé entraîné », « j’ai été trompée » … ce qui ne change pas grand chose à leur situation : quelque chose de la relation avec Dieu a été cassé. Mais comme l’histoire ne s’arrête pas là, nous savons que le Seigneur mettra tout en œuvre pour nous délivrer : là où le péché a abondé, la grâce surabonde.
Dans l’évangile, la situation est un peu différente. On accuse Jésus de faire une œuvre mauvaise en expulsant les démons. « Il est possédé par un esprit impur » dit-on, comme si le péché pouvait délivrer du péché, comme si l’Esprit Saint était un esprit impur. Au lieu de considérer comme bien ce qui est mal, on regarde comme mal ce qui est bien … Et c’est très différent et c’est beaucoup plus grave, parce que c’est une impasse absolue. Celui qui commet le mal, finit par en souffrir des conséquences, et une porte s’ouvre par laquelle s’engouffre la miséricorde ; mais celui qui refuse le bien, ne peut jamais en profiter, il reste enfermé dans son refus. Par exemple, prétendre que toute prière est une illusion, que l’engagement est une aliénation ou que le pardon est une complicité … c’est s’interdire d’en découvrir les bienfaits, c’est se priver du souffle de Dieu. On peut juger le bien inaccessible, ne pas s’y intéresser ou le minimiser … c’est dommage, mais on peut toujours espérer qu’on découvrira que le bien est plus facile ou plus important qu’on ne le croit. Mais si on déclare mauvais le bien, si on le refuse et qu’on le fuit … il ne lui reste aucune chance pour se révéler.
Alors, vaut-il mieux pécher que blasphémer contre l’Esprit ? Certes, mais il vaut mieux ne pas pécher ou le moins possible ! « Tout sera pardonné aux enfants des hommes » dit Jésus … ce n’est évidemment pas un encouragement à faire n’importe quoi ! D’autant qu’à regarder le mal comme un bien, on risque fort de finir par regarder le bien comme un mal. C’est ce qui est arrivé au serpent, quand il a prétendu que l’interdiction du fruit était une jalousie – ce qui est mal – alors qu’il s’agissait d’une protection – ce qui est bien !
Mais comment faire, pour reconnaître le mal comme mal et le bien comme bien ? Jésus apporte la réponse : à ceux qui viennent se saisir de lui en prétendant qu’il est fou, il réplique que sa famille, c’est « ceux qui font la volonté de Dieu ». Cette volonté qui nous est révélée par la parole : non pas comme une contrainte mais comme une invitation. C’est pourquoi nous avons besoin de cet esprit de foi dont parlait saint Paul : pour faire confiance à celui qui inspire la Parole de Dieu. Il ne nous veut pas de mal, il ne nous veut que du bien, lui qui construit pour nous une demeure éternelle dans les cieux.
Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette Parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse, qu’elle nous apprenne à ne pas confondre le bien et le mal. Porte du Ciel qu’elle nous rende accueillants au don de Dieu. Mère du Sauveur qu’elle nous montre comment faire la volonté de Dieu pour que nous puissions parvenir à la gloire qui nous est promise pour les siècles des siècles.