Apprendre à aimer comme Dieu
La Sainte Famille - année C
L’histoire de Jésus parmi les docteurs est un drôle d’évangile pour fêter la sainte Famille ! Certes on peut y distinguer deux épisodes : celui des péripéties à Jérusalem, et celui plus serein, qui sert de conclusion et qui évoque la vie à Nazareth. Comme le sens de la célébration d’aujourd’hui est de donner un modèle pour les familles chrétiennes, c’est sans doute à cause de ces derniers versets que le texte a été choisi. Et la tentation est grande, pour le prédicateur, de se dire que l’aventure à Jérusalem a été gardée pour éviter d’avoir un évangile trop court !
Mais, puisqu’il faut résister à la tentation, on peut penser que les deux épisodes s’éclairent l’un l’autre, et que c’est ensemble qu’il faut les lire pour bien comprendre les enjeux. Ainsi par exemple, puisque Jésus descend avec ses parents à Nazareth où il leur était soumis, on comprend que le séjour dans le Temple n’était pas une fugue, et que sa réponse à Marie n’était pas non plus l’expression d’une révolte adolescente précoce ! D’ailleurs, puisque ni Marie ni Jésus n’ont péché, il faut comprendre leur dialogue en excluant qu’il y ait de la colère chez l’une, ou de l’impertinence chez l’autre !
Comment alors comprendre la description de la vie à Nazareth à la lumière de l’histoire du Temple ? Tout d’abord, on aurait pu imaginer qu’après ce moment, Jésus grandisse dans un endroit spécial. Après tout, Jean Baptiste n’a-t-il pas été élevé aux déserts, et Samuel dans le sanctuaire de Silo, avec le prêtre Eli ? Cela nous paraît banal, aujourd’hui, qu’un enfant grandisse dans sa famille … mais d’une part cela n’a rien de systématique, et d’autre part c’est cette banalité que le Seigneur a vécue. D’une certaine manière, d’ailleurs, l’épisode du Temple marque un changement dans la vie de Jésus. Manifestement, avant ce pèlerinage, il vivait dans un groupe plus large puisque ses parents ne se préoccupent pas de le voir quitter la ville avec eux. On peut dire que ce moment marque le passage d’une vie en tribu à une vie en famille ! C’est le premier enseignement que l’on peut retenir de cet évangile : la famille est un lieu d’éducation. Elle est faite pour le bien des enfants et non pas les enfants pour le bien de la famille ! La famille est le milieu d’accompagnement et de croissance, un lieu de transmission où se forment de nouvelles humanités.
Ensuite, on peut se laisser surprendre par les paroles de Marie, lorsqu’ils retrouvent Jésus au Temple. D’abord, on aurait plus spontanément pensé que, surtout dans la culture patriarcale de l’époque, c’est le père qui ferait la réflexion à l’enfant retrouvé ! Et puis Marie parle au pluriel : « pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi avons souffert en te cherchant ». Le couple parle d’une seule voix. C’est dans l’unité qui naît de l’amour des parents que l’enfant apprend à dire « nous ». On sait bien que ce n’est pas toujours facile, mais la sainte famille est un bel exemple de l’amour familial qui rassemble et uni, même si parfois cela passe par des souffrances et des incompréhensions.
Enfin on peut remarquer que Jésus ne grandit pas seulement en sagesse et en taille, mais aussi en grâce, et non seulement devant les hommes mais aussi devant Dieu. Peut-être que Marie et Joseph ont réalisé au Temple l’importance de la vie spirituelle de Jésus. C’est ce que suggère la réponse de Jésus. Quand il demande « comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? » cela ne veut pas dire « pourquoi vous intéressez vous à moi », mais plutôt « ne saviez vous pas que les choses de Dieu sont importantes pour moi ? ». S’ils mettent trois jours à retrouver Jésus, c’est qu’ils l’ont cherché d’abord ailleurs … Où cherche-t-on un enfant égaré ? En premier lieu, là où il a l’habitude d’aller, là où il aime être ! Jésus ne s’est pas caché, il n’est pas allé flâner dans les souks ou voir les spectacles, il s’est juste laissé absorbé par son intérêt pour la Parole de Dieu, en écoutant les docteurs de la Loi et en les interrogeant. C’est le troisième enseignement sur la famille, l’importance de la vie spirituelle, non seulement la nôtre, mais celle des autres. Le Concile appelle la famille une « église domestique », c’est une manière de nous rappeler l’importance de Dieu dans la vie de famille, elle n’est pas seulement un groupe où l’on mange et habite ensemble, elle n’est pas seulement une communauté de loisir ou de travail, elle est rassemblée par le Seigneur, pour progresser ensemble en sainteté.
Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse, qu’elle nous rende vigilants à faire de nos familles un lieu de croissance et de progression. Mère du bel amour, qu’elle nous apprenne à aimer toujours mieux pour fortifier l’unité des familles. Porte du Ciel, qu’elle nous rappelle la présence de Dieu au milieu de nous, pour qu’à l’exemple de la Sainte Famille, nous puissions accueillir celui qui nous a donné part à son Esprit et demeurer en lui comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.
