Complicité, absolution ou seconde chance
5CAC
5° Dimanche de Carême - Année C
Is 43, 16-21 ; Ps 125 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
« Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » … cette phrase de Jésus devant la femme adultère est devenue proverbiale. Il est vrai qu’elle est proprement géniale, et que Jésus a trouvé là un moyen extraordinaire de sortir du piège qui lui était tendu par les pharisiens. Pourtant on pourrait la comprendre de travers. Par exemple en faire la justification d’un système mafieux : puisque tout le monde a quelque chose à se reprocher, tout le monde ferme les yeux …. On imagine bien que ça n’est pas ça que Jésus veut nous dire. Reprenons le texte pour mieux le comprendre.
Jésus est en train d’enseigner, et voilà que les scribes et les pharisiens lui amènent une femme surprise en plein adultère. C’est un péché grave – très grave puisqu’il est puni de mort et d’une mort assez pénible : la lapidation. Ce n’est pas le lieu ici de reprendre ici tout l’enseignement de Jésus sur le mariage, mais – même si notre temps semble assez tolérant à l’adultère – ça reste un péché grave. Au premier temps de l’église c’était même, avec le meurtre et l’apostasie un cas d’exclusion de la communauté chrétienne. Mais revenons à la femme de l’évangile. Cette femme a été prise en flagrant délit … Le cas est on ne peut plus clair ! Pourquoi l’amène-t-on à Jésus ? C’est parce qu’on veut le piéger pour pouvoir l’accuser. La préoccupation des scribes et des pharisiens, ça n’est pas la justice, ça n’est pas la loi, c’est de piéger Jésus. La femme n’est pas importante pour eux, elle n’est qu’un prétexte. A leurs yeux elle est déjà morte : c’est Jésus qui les intéresse, c’est lui qu’ils veulent accuser.
On sait que Jésus connaissait les pensées du cœur. Il a saisi le piège, évidemment. Que fait-il ? Il se baisse et regarde ailleurs, traçant des traits sur le sol. On a beaucoup glosé sur cette attitude. Des générations de chrétiens se sont demandé ce que Jésus avait bien pu dessiner ! En fait, on peut tout simplement penser qu’il détourne son regard. Il ne veut pas voir la scène, il ne veut pas voir cette haine des accusateurs, cette femme déjà condamnée et instrumentalisée. Cette scène me fait penser à la magnifique représentation du Christ aux outrages peint par Fra Angelico au couvent San Marco à Florence. Le Christ est frappé, moqué, humilié. Il a un bandeau sur les yeux et le dessin du peintre est si fin qu’on devine, que sous le bandeau, Jésus ferme les yeux.
Mais les autres insistent. Même si Dieu ne veut pas voir le mal, il ne peut pas y échapper, et cela nous annonce déjà le temps de la Passion. Alors Jésus prononce la fameuse phrase « celui qui n’a jamais péché, qu’il lance la première pierre ». Ce n’est pas une absolution, c’est une accusation. Les accusateurs se retrouvent accusés, d’une accusation implacable, qui vient de Dieu et à laquelle personne ne peut échapper. Alors ils s’en vont, l’un après l’autre en commençant par les plus âgés – malicieuse remarque de l’évangéliste dont feraient bien de se rappeler ceux qui se trouvent trop vieux pour pécher … surtout quand il y a un soupçon de nostalgie dans cette affirmation !
Alors Jésus se relève, cette fois-ci il peut regarder la femme. Elle porte toujours le poids du péché qu’elle a commis, mais elle n’est plus condamnée d’avance. Elle est redevenue une vivante, une femme, pécheresse certes, mais vivante. Personne ne t’a condamnée ? Moi non plus je ne te condamne pas. Ce n’est pas non plus une absolution, comme celle que nous recevons dans le sacrement. C’est un sursis, une deuxième chance. Jésus retarde le moment du jugement pour lui laisser le temps de se repentir. Il ne dit pas « va en paix » mais « va et désormais ne pèche plus ». Il n’y a aucune complicité ni aucune complaisance dans le péché, il y a juste une libération, une porte qui s’ouvre à nouveau là où tout semblait terminé, une vie nouvelle qui est permise au-delà de la mort annoncée. Et c’est bien ça le cœur de la fête de Pâques qui approche maintenant. C’est ce que le Christ nous permet par sa résurrection.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole, à nous laisser toucher par cet évangile. Elle qui est le Refuge des pécheurs, qu’elle nous obtienne un temps de grâce pour nous convertir, pour nous ouvrir plus pleinement à la vie divine. Elle qui est la Porte du Ciel, qu’elle nous montre le chemin de la justice, non pas la justice de la loi, mais la justice de la foi. Elle qui est la Mère de miséricorde qu’elle nous montre comment aimer selon le cœur de Dieu, dès maintenant et pour les siècles des siècles