Les déplacements de la Transfiguration
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2° Dimanche de Carême - Année C
Gn 15,5-12.17-18 ; Ps 26 ; Ph 3,17-4,1 ; Lc 9,28b-36
Comme chaque année, le deuxième dimanche du carême nous invite à partager l’expérience de Pierre, Jacques et Jean lors de la Transfiguration. De même qu’il leur a été donné d’entrevoir déjà ce qui se révèlera après la montée vers Jérusalem ; il nous est proposé de tourner déjà nos cœurs vers ce qui se manifeste à Pâques. C’est toujours plus facile d’avancer quand on sait où l’on va ; c’est toujours plus facile de subir les épreuves quand on sait ce qu’elles promettent … Ainsi, il est bon de se rappeler le mystère pascal pour s’engager dans le carême. Cette année nous avons entendu le récit de l’évangile de Luc qui est le seul à rapporter le sujet de la conversation entre Jésus, Moïse et Elie. « Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem ». Il est donc question de mouvement, ce qui rejoint le thème du pèlerinage que nous rappelle l’année jubilaire sur l’espérance.
Le premier déplacement pourrait paraître inaperçu, tant il est naturel. « Il gravit la montagne pour prier ». Tout commence par un effort. Ceux qui connaissent la Terre Sainte savent que le Thabor, la montagne de la Transfiguration, n’est pas une petite colline discrète. L’ascension de la montagne n’a rien d’une balade de santé. Dans l’histoire d’Abraham, il y a aussi ce premier moment de préparation du sacrifice qui suppose un effort. Partager en deux une génisse, une chèvre et un bélier n'est pas de tout repos ! Le premier mouvement c’est donc l’effort que nous faisons. Le temps de carême suppose un effort pour sortir de notre confort et de nos habitudes. Le jeûne ou les privations sont de cet ordre. « Leur dieu, c’est leur ventre » disait saint Paul à propos des ennemis de la croix du Christ. Pour contempler la Gloire de Dieu, il faut accepter d’être dérangé, de se déplacer. On ne vit pas le carême en attendant que ça passe : il faut se mettre en route, il faut décider de changer quelque chose et ce n’est pas toujours facile.
Le deuxième mouvement dont parle l’évangile, c’est le départ que Jésus allait vivre à Jérusalem. On se doute bien qu’il s’agit de sa Pâques, son passage à travers la mort jusqu’à la résurrection. C’est un déplacement d’un autre ordre : une élévation, un mouvement surnaturel. On sait que l’espérance c’est de se préparer à la gloire du ciel, de se disposer à ce mouvement que Dieu nous fera faire. « Nous avons notre citoyenneté dans les cieux » disait saint Paul. « Jésus transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ». La deuxième dimension du carême c’est de se disposer à cette transformation en prenant un temps de prière plus conséquent. Une prière qui creuse en nous le désir de Dieu, une prière qui nous apprend à être ce que nous serons. Ce deuxième mouvement qui nous conduit à la vie éternelle, nous le recevons et nous nous y disposons. C’est Dieu qui nous le fera faire, mais nous devons y consentir.
Le troisième déplacement est inscrit en filigrane dans le récit. Alors que Pierre propose de dresser des tentes pour rester sur place et profiter du moment, l’évangéliste commente : « il ne savait pas ce qu’il disait », et la nuée qui couvre les apôtres, comme la voix qui se fait entendre nous font comprendre que ce n’est pas la bonne solution. Puisqu’il ne faut pas dresser la tente, puisqu’on ne reste pas sur place, c’est qu’il y a un troisième mouvement : la mission. Vous allez me dire que les disciples ce jour-là ont gardé le silence et que le silence est une drôle d’image de la mission ! Cela dit puisque nous lisons cette histoire, c’est bien qu’ils l’ont raconté plus tard : la mission des apôtres ne se limite pas à la descente du mont Thabor ! Ce troisième déplacement est suggéré. Il s’agit de partager ce qui a été reçu, de déployer ce qui a été vécu. C’est ce à quoi nous invite le partage du carême. On ne peut pas rencontrer le Seigneur et rester sur place. De même qu’il n’y a pas d’espérance si nous ne voulons pas ouvrir des portes vers le salut à ceux qui sont accablés par les difficultés.
La Transfiguration n’est pas la bande annonce de la gloire qui nous attend, elle est d’abord une invitation aux déplacements. Déplacement de l’effort par les privations, déplacement de la vie éternelle par la prière ; déplacement de la mission par le partage.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du ciel qu’elle nous encourage à sortir de nos habitudes pour aller vers le Seigneur. Miroir de la Sainteté de Dieu qu’elle creuse en nous le désir de la vie éternelle. Mère du Bel Amour qu’elle nous entraine dans le déploiement de ce que nous avons reçu, pour que nous puissions avancer en pèlerins de l’Espérance, et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.